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mardi 27 septembre 2011

L'art et la France

J'adore l'art. Vraiment. Surtout son histoire, en fait, mais j'aime bien regarder des oeuvres aussi (surtout celles entre 1750 et 1900). Mais je peux à peine faire un bonhomme allumette, même si ma vie en dépendait. C'est pour cela que, lorsque je vais à Paris, j'aime me promener au Louvre ou au Musée d'Orsay: je me sens soudain la fibre artistique qui me titille, et si je m'écoutais, je ferais comme tous ces étudiants en art et je me mettrais à dessiner les oeuvres qui sont affichées.

Mais bon, je veux laisser les peintres à leur dernier repos en paix et leur éviter le supplice de se retourner dans leur tombe devant la laideur de ces éventuels croquis. Alors, je sors de la boutique souvenir avec pleins de livres explicatifs à la place.

Mais si vous aimez vraiment, mais alors là vraiment l'art, vous pouvez visiter les recoins de la France qui ont vu ces artistes que vous connaissez sans doute et qui les ont inspirés. En voici un aperçu.

Sinon, dans un tout autre ordre, j'ai envie de faire un petit coup de pub à cette amie que vous connaissez si bien, parce qu'après tout, la publicité, c'est tout un art! Vous trouverez un article sur la dernière campagne de pub de la RATP ici: ça vous montrera que peu importe où vous êtes, les gens dans le métro... c'est pas la joie (sauf qu'à Paris, il y a des gens qui jouent de l'accordéon DANS le wagon, ce qui permet d'oublier le gros lourdaud qui renifle dans nos oreilles à l'heure de pointe...).

mardi 21 juin 2011

Princesse Palatine

Il y a des gens que l'histoire a tendance à oublier, mais qui sont fascinant. Présentement, le courant historiographique en vogue s'intéresse particulièrement à ces oubliés qui n'ont pas pu écrire leur propre histoire, ce qui explique que, si vous vous rendez dans la section histoire de votre librairie, les livres sur l'Histoire de la criminalité, de la prostitution, de la mafia, du "petit" peuple, des femmes et des enfants abondent.
Cependant, il y a des gens que l'histoire n'aurait pas dû oublié, car ils étaient des aristocrates branchés, qui évoluaient à Versailles au XVIIe siècle, dans l'entourage immédiat du Roi Soleil.

Parmi ces gens, on retrouve Charlotte-Élizabeth de Bavière, dite Liselotte pour les intimes. Mais les gens la connaissent plus sous le nom de la Princesse Palatine. Qui était-elle?

La Princesse Palatine est née dans l'ancien Saint Empire romain germanique, dans ce que l'on appelle le Palatinat. Si aujourd'hui, le nom ne vous dit rien, le Palatinat du Rhin était autrefois une région plutôt importante de l'Empire, et l'un des plus anciens électorats.

Charlotte-Élizabeth de Bavière naît donc fille de Charles Ier, électeur du Palatinat, le 27 mai 1652. Élevée dans la plus pure religion réformée, elle est éduquée par sa tante, la duchesse de Brunswick-Lunebourg. Sa tante lui donne une culture humaniste, lui apprend à aimer la nature, l'équitation, la liberté et les grands penseurs des Lumières: il va donc sans dire qu'elle ne s'est jamais sentie à sa place à Versailles.

Alors âgée de 19 ans, on la marie à Philippe de France, dit Monsieur, frère de Louis XIV, le 19 novembre 1671 (on la connaîtra ensuite sous le nom officielle de "Madame"). Celui-ci est déjà veuf d'Henriette d'Angleterre, avec qui il a eu trois enfants, un fils (mort en bas âge) et deux filles. Mais voilà, alors que le roi enchaîne les maîtresses, Philippe d'Orléans, homosexuel plus ou moins officiellement déclaré, préfère la mode et les arts à la chasse, contrairement à sa nouvelle épouse. Ainsi, un observateur de l'époque dira que, dans le couple du frère de Louis XIV, Monsieur est très Madame et Madame est très Monsieur.

Madame et Monsieur auront cependant trois enfants ensemble, deux fils et une fille. Leur fils cadet, également prénommé Philippe, deviendra régent à la mort de Louis XIV. Après avoir donné à la France des héritiers pour le trône advenant la mort de tous ceux que Louis XIV s'amusait à faire, Madame et Monsieur semblent avoir abandonné l'exécution de leur devoir conjugal. Monsieur s'est tourné vers ses mignons, et Madame... vers sa correspondance.

On compte plus de 60 000 lettres écrites durant sa vie. Le langage de Madame est souvent cru: ainsi, détestant profondément Madame de Maintenon, la seconde épouse de Louis XIV, elle n'aura de cesse de l'appeler "la vieille conne" dans sa correspondance, et elle dira de sa belle-fille qu'elle "ressemble à un cul comme deux gouttes d'eau". Je vous l'accorde, les réunions familiales devaient être particulièrement mouvementées...

Bien que convertie au catholicisme pour pouvoir épouser Philippe d'Orléans, elle restera proche de la foi protestante toute sa vie, et ne partagera pas le courant dévot qui sera de mise durant la deuxième partie du règne de Louis XIV. On pense également qu'elle aurait eu un oeil sur son beau-frère, Louis XIV, même si ce secret a été emportée dans sa tombe. Elle mourut le 8 décembre 1722.

La Princesse Palatine vous fascine? Tout comme moi, vous avez fini l'école, vous n'avez donc plus aucune lecture à faire pour l'été et vous vous dite "Comment occuper mon temps libre? Tiens donc, 60 000 lettres, ça pourrait être intéressant!" C'est ici que ça commence!

Des livres. De plus en plus de recueils des lettres de la princesse Palatine sont disponibles sur le marché. Pour rire des trépas de la cour de Louis XIV et voir tout le ridiucle de l'étiquette trop contraignante. Vous y goûterez au langage cru (mais souvent très drôle) de la princesse, comme par exemple:
"VOUS ÊTES BIEN HEUREUSE d'aller chier quand vous voulez; chiez donc tout votre chien de soûl. Nous n'en sommes pas de même ici, où je suis obligée de garder mon étron pour le soir; il n'y a point de frottoir aux maisons du côté de la forêt. J'ai le malheur d'en habiter une, et par conséquent le chagrin d'aller chier dehors, ce qui me fâche, parce que j'aime chier à mon aise, et je ne chie pas à mon aise quand mon cul ne porte sur rien. Item, tout le monde nous voit chier; il y passe des hommes, des femmes, des filles, des garçons, des abbés et des Suisses. Vous voyez par là que nul plaisir sans peine, et que, si on ne chiait point, je serais à Fontainebleau comme le poisson dans l'eau." -- Lettre datant du 9 octobre 1964.

Des films. Vous vous rappelez ma fascination pour l'émission Secret d'Histoire? Et bien, DEVINEZ QUOI!!! Ils ont dédié un épisode COMPLET à la Princesse Palatine, que vous pouvez trouver ici.

En ligne. Allez jeter un coup d'oeil à l'étagère de ma bibliothèque Google Books!

Encore une fois, si vous trouvez des extraits amusants des lettres de Madame, belle-soeur de Louis XIV, ne vous gênez pas pour nous les partager!

vendredi 28 janvier 2011

Victor Hugo

Après avoir consacré un article à Chateaubriand, il fallait être constante et en consacrer un à son plus fidèle admirateur, Monsieur Victor Hugo lui-même, qui a noté, dans son journal, en juillet 1816 (il a alors quatorze ans): "Je veux être Chateaubriand ou rien!"

Victor Hugo nait en 1802 à Besançon, une ville de l'Est de la France. Son père est alors général d'Empire, que le roi d'Espagne (Joseph Bonaparte, frère aîné de Napoléon) nomme comte. Suite aux voyages militaires de son père, Hugo voyage en Espagne et à Naples fréquemment. En 1811, il entre comme pensionnaire dans le Collège des Nobles de Madrid. Puis, en 1813, on le trouve à Paris, avec sa mère: ses parents viennent de se séparer. Il entre à la pension Cordier en 1815 et c'est là que, de lui-même, il apprendra à faire des rimes et mesurer ses vers.

En 1817, il reçoit une mention de l'Académie française suite à un concours poétique ayant pour thème Bonheur que procure l'étude dans toutes les situations de la vie. Puis, en 1821, il publie son premier recueil de poèmes, intitulé Odes. Louis XVIII, de retour sur le trône français, lui octroit une pension de 1000 livres.

Le 12 octobre 1822, il épouse Adèle Foucher, avec qui il aura 5 enfants. À la même époque, son frère Eugène sombre dans la folie et est interné de force jusqu'à sa mort, en 1837.

En 1827, il publie sa pièce Cromwell, jetant les bases du drame romantique: il s'oppose notamment aux idéaux classiques, brisant notamment l'idée de l'unité de temps et de lieu. C'est justement au tournant des années 1820 à 1830 qu'il publie plusieurs de ses pièces maîtresses: en 1829, il publie Les Orientales et Le dernier jour d'un condamné. Le plus connu de ses romans, Notre-Dame de Paris, sort en 1831.

C'est également durant ce temps que Victor Hugo rencontre Juliette Drouet, qui deviendra sa maîtresse. En fait, les Hugo vivaient dans ce qu'on appellerait aujourd'hui un couple ouvert: Adèle Hugo entretient également une relation avec Sainte-Beuve, un autre écrivain de l'époque.

En 1841, il accède enfin à l'Académie française.

Toutefois, le drame qui marqua le plus sa vie fut sans doute la mort de sa fille Léopoldine, qui mourut avec son époux lors d'une noyade accidentelle le 4 septembre 1843. Hugo était alors dans les Pyrénées avec Juliette Drouet, et apprendra la nouvelle par les journaux, plusieurs jours plus tard.

L'évènement n'empêcha cependant pas Hugo de se lancer en politique. Né d'une mère monarchiste, il se laisse tenter par la démocratie. Il deviendra le confident de Louis-Philippe en 1844 et pair de France en 1845. Il milite également pour le droit des émigrés à revenir au pays.

Lors des Révolutions de 1848, il est élu maire du VIIIe arrondissement de Paris, puis député conservateur de la IIe République. Il soutient Louis-Napoléon Bonaparte (futur Napoléon III) comme président de la République, puis le renie lorsqu'il soutient le retour du pape à Rome. Après le Coup d'État du 2 décembre 1851, qu'il condamne, il s'exile à Bruxelle, puis à Jersey.

À Jersey, toujours hanté par la mort de sa fille, il s'essaiera au spiritisme. Pour ceux qui sont intéressés par ces démarches, il a consigné ses expériences dans le libre Les tables tournantes de Jersey.

Toutefois, en 1855, il est chassé de Jersey après avoir critiqué la reine Victoria et se rend à Guernesey (une autre île de la Manche). Il refuse également l'amnistie proposée par Napoléon III. Ces années seront apparemment sources de grande inspiration pour Hugo, qui publiera entre autres Les châtiments (1853), La légende des siècles (1859) et Les Misérables (1862) durant cette période.

Il retourne finalement en France en 1870, où les Parisiens l'accueillent en héro. Il publiera encore plusieurs poèmes, pièces et romans (notamment Quatrevingt-treize en 1872), et restera une figure active de la vie littéraire et politique parisienne jusqu'à sa mort, en 1885.

À sa mort, on pense d'abord à l'inhumer au Père-Lachaise, mais le choix se porte finalement sur le Panthéon.

Victor Hugo vous fascine? Vous voulez avoir un coup d’œil pas trop douloureux à ses œuvres?

Dans notre vie. Bien sûr, vous pouvez allez voir les différents endroits ayant inspiré ses œuvres : Notre-Dame de Paris, les anciennes « cours des miracles », etc. Vous pouvez également visiter la maison de Victor Hugo, située Place des Vosges. Vous pouvez également le visiter au Panthéon.

Des films. L’avantage des romans de Victor Hugo, c’est qu’ils se prêtent bien aux idéaux d’Hollywood : héros, amours impossibles, liberté, etc. Pour les enfants (ou ceux qui ont gardé leur cœur innocent), vous pouvez écouter Le Bossu de Notre-Dame (v.f. de The Hunchback of Notre-Dame: http://www.youtube.com/watch?v=09mrLoRWveU&feature=&p=CA28D1A51515F9D8&index=0&playnext=1), inspiré de son roman le plus célèbre, Notre-Dame de Paris. Bien sûr, si vous avez lu le livre, vous serez probablement abasourdie par les erreurs qui sont faites : Phoebus n’est pas méchant dans le dessin animé, personne ne meurt, et Fleur-de-Lys est apparemment inexistante. Mais les chansons valent la peine d’écouter le film. Il serait également impossible de passer outre le film Les Misérables, qui date déjà quelques années (1998) et qui a rassemblé une brochette d’acteur absolument époustouflante (Liam Neeson, Uma Thurman, Geoffrey Rush, et Claire Danes). Bien qu’aucun film ne rende justice à la précision de l’écriture d’Hugo, ce peut être une façon de passer un après-midi.

En parallèle. Un des évènements les plus dramatiques de sa vie est sans doute la mort de sa fille Léopoldine, qui mourut noyée avec son époux. Suite à cet évènement, non seulement Hugo deviendra-t-il de plus en plus sombre, il commencera également à s’adonner au spiritisme. Le roman L’Empire couleur sang, malgré une fin qui laisse sur sa faim, donne un bon aperçu de cet aspect de la vie du romancier.

En ligne. Comme toujours, une étagère de ma bibliothèque Google Book est réservée à ce grand romancier. Libre à vous d’aller y fouiner. Peut-être y trouverez-vous de l’inspiration pour commencer à lui faire concurrence. Bonne lecture! http://books.google.ca/books?uid=5193644990311896005&as_coll=1027&hl=fr&source=gbs_lp_bookshelf_list

J'ai oublié un pan marquant de sa vie? Vous voulez me raconter les pires tortures de vos professeurs, quand ils vous ont forcé à lire ses poèmes au secondaire? Vous voulez partager vos souvenirs d'enfance quant au Bossu de Notre-Dame? Laissez-moi un commentaire!

samedi 15 janvier 2011

François-René de Chateaubriand

Il y a de cela quelques semaines déjà, ma grande amie, La Parisienne Anonyme que vous avez pu lire si vous avez jeté un coup d'oeil à mes commentaires, m'a mise au défi de consacrer un article à Chateaubriand, en disant, je la cite:
Voici un grand homme exilé sur votre continent.
François René de Chateaubriand
Monarchiste et écrivain
Un article pour demain?
Comment résister à un tel défi? Toutefois, j'avais deux problèmes: le premier était que je ne savais absolument RIEN de Chateaubriand, le second que je n'avais aucune idée de comment introduire ce personnage dans l'article. Toutefois, mercredi, je me suis trouvée à lire Les Misérables de Victor Hugo dans l'autobus, et, comme d'habitude, le grand maître du romantisme français m'a sauvé la face. Dans le Livre Troisième: En l'année 1817, le premier chapitre décrit tout ce qui est arrivé en 1817, dont ceci:

"La Minerve appelait Chateaubriand Chateaubriant. Ce t faisait beaucoup rire les bourgeois au dépend du grand écrivain." (1)
Chateaubriand présente donc quelques défis pour l'historienne que je veux être! Mais qui était-il donc?

François-René, vicomte de Chateaubriand (1768-1848) est né à Saint-Malo. Si cela sonne des cloches aux oreilles des Québécois, c'est tout à fait normal: c'est de là que vient notre Jacques Cartier national, et on y trouve encore des rues faites avec "l'or" qu'il a ramené de son dernier voyage au Canada, et qui s'est avéré être... de la pyrite, la crainte des sous-sols de maisons.

Chateaubriand naît dans une vieille famille de l'aristocratie en 1768. La famille était depuis longtemps ruinée, mais le père de Chateaubriand lui avait redonné une certaine fortune grâce au commerce avec les colonies. Toutefois, la réussite commerciale de son paternel prend un certain temps, et Chateaubriand vit chez un oncle et une tante jusqu'en 1771, année où son père peut enfin racheter le château de Combourg, en Bretagne.

Après des études en province (notamment à Dol et à Rennes), il devient sous lieutenant du régiment de Navarre à 17 ans, puis capitaine à 19 ans.  En 1788, on le trouve à Paris. Il devient proche de quelques écrivains bien connus de l'époque, et publie ses premiers poèmes dans L'Almanach des Muses. En 1792, il épouse Céleste de La Vigne-Buisson, fille d'un armateur de St-Malo. Ils n'auront pas d'enfant.

En 1791, alors que la révolution bat son plein, il va en Amérique, aux États-Unis plus particulièrement. Ses écrits sont moqués par les Américains, car dans son recueil de poèmes intitulé Natchez, il décrit les rives du Mississippi comme étant marquées par les bananes et les singes. Pourtant, à tous ceux qui sont férus de littérature ou de géographie, il suffit de lire un livre de Mark Twain pour comprendre que tel n'est pas le cas.

Il revient en France en 1792 et s'allie à l'Armée des émigrés pour vaincre la France. Mais bon... Pourquoi veut-il vaincre son propre pays? Chateaubriand serait-il un petit wannabe Napoléon?

En fait, Chateaubriand ne pourrait pas être plus à l'opposé du futur empereur. L'Armée des émigrés est en fait composés de Français émigrés ayant fui la Révolution, soit parce qu'ils font partie de la noblesse, soit parce qu'ils sont de conviction royaliste. Ils sont d'abord regroupés à Turin en Italie, puis en Allemagne et en Autriche, et finalement en Angleterre et en Russie. En 1792, lorsque Chateaubriand revient en Europe (il s'enrôle dans l'armée à Coblence, en Allemagne), leur but principal est de vaincre les armées révolutionnaires, libérer la famille royale et rétablir la monarchie absolue.

Cette année-là, alors que Chateaubriand se bat à l'Est, sa femme est emprisonnée. Il sera lui-même blessé à Thionville, il met fin à sa carrière militaire et se retire à Jersey (Angleterre). Quelques années plus tard, en 1793, on le trouve à Londres. L'année suivante, son frère et sa belle-soeur sont décapités. En 1797, il publie son premier ouvrage, intitulé Essai sur les Révolutions anciennes et modernes dans leur rapport avec la Révolution française, qui passe inaperçu de la critique.

Il retourne ensuite en Amérique en 1800. Puis, il dirige le journal Mercure de France, dans lequel il publie, en 1801, Atala, qui suscite l'admiration et dans lequel il fait la promotion du christianisme. À la même époque, il écrit René, et il publie en 1802 son Génie du christianisme, duquel les deux écrits précédents sont des séquelles. Le but de cette "trilogie" chrétienne est de montrer que le Christianisme peut être aussi poétique et beau que les religions païennes qui fascinent à l'époque (on n'a qu'à penser à l'attrait des "chinoiseries" du rococo).

En 1803, Napoléon Bonaparte, alors premier consul, finit par le remarquer. Il lui demande alors d'accompagner à Rome son ambassadeur, le cardinal Joseph Fesch. Acceptant avec joie ce poste de secrétaire, il retourne à son château pour une période de vingt-quatre heures français, tout juste assez longtemps pour demander à son épouse de l'accompagner. Toutefois, il fait également l'erreur de lui dire qu'il a une maîtresse, la comtesse de Beaumont. Mme Chateaubriand refuse le ménage à trois, et son époux part donc seul, à Rome.

En 1804, il est nommé ambassadeur à la République du Valais (actuel canton du Valais, en Suisse). C'est là qu'il apprend l'exécution du duc d'Enghien, petit-fils du prince de Condé. Chateaubriand, franchement royaliste, donnera sa démission le jour même et s'engagera dès lors dans l'opposition à l'Empire. Lors du couronnement de Napoléon Ier, il se réfugie chez un ami, où il écrit plusieurs chapitres des Martyrs et des Mémoires d'outre-tombe.

En 1806 naît le projet d'écrire une épopée chrétienne. Dans le cadre de ses recherches, il fait un voyage en Grèce, en Asie Mineure, en Palestine et en Égypte. C'est durant ce voyage qu'il finit d'écrire Les Martyrs, qui ne sera finalement publié qu'en 1809. De ses notes de voyages, il publiera également Itinéraire de Paris à Jérusalem, publié en 1811. Cette année-là, il sera également élu membre de l'Académie française. Toutefois, dans son discours de réception, il parle contre certains actes de la Révolution, et on lui interdit donc de prendre place dans son siège. Il ne l'occupera que sous la Restauration.

Lorsque Napoléon quitte son poste d'empereur pour la première fois en 1814, il écrit un pamphlet contre lui, intitulé De Buonarparte et des Bourbons. Louis XVIII, toutefois, considère que le pamphlet est en faveur de Napoléon plutôt que de la monarchie des Bourbons, et prétend même que le pamphlet aide autant l'empereur déchu que son armée. 

De plus, Chateaubriand a la "brillante" idée de s'allier aux Ultraroyalistes. Ce groupe, particulièrement important entre 1815 et 1830, était, comme les artisans de la Restauration, contre les idées de république, de libéralisme et autres héritiers de la Révolution. Toutefois, ils étaient également, dans une certaine mesure, contre Louis XVIII, car le nouveau souverain avait dû faire des compromis pour restaurer l'Ancien Régime, ce que condamnaient les Ultraroyalistes, qui voulaient un retour pur et dur à la monarchie d'antan. Ils se considéraient eux-mêmes comme plus royalistes que le roi lui-même: et, vous me concéderez probablement le point, être "plus" que le roi, ce n'est jamais bon. Alors, bien que nommé Ministre d'État et pair de France en 1815, il est mis en disgrâce après avoir attaqué un édit du roi dans un pamphlet.

Il se retire de la vie politique en 1830. Il mourra à Paris en 1844, désabusé par la monarchie.

Toutefois, il laisse à la postérité plusieurs oeuvres variées. Son héritage majeur, bien sûr, est son apport au mouvement romantique, qui marqua le début du XIXe siècle.

Le romantisme est un mouvement qui frappa toutes les sphères artistiques du XIXe siècle. On tend généralement à reconnaître Jean-Jacques Rousseau, le philosophe qui fait encore souffrir plusieurs étudiants aujourd'hui, comme le premier romantique, bien que le mouvement ne commence à prendre de l'ampleur en face qu'après la chute de l'Empire et du mouvement néoclassique représenté par Jacques-Louis David.

Le romantisme est caractérisé par sa poésie et ses romans, mais surtout par le tout nouveau drame romantique, qui marque un schisme marquant avec le théâtre dit classique. Ceux-ci sont marqués notamment par l'exaltation des sentiments et du passé glorieux de la Nation (à lire ici, de la Nation pré-Révolution). L'importance du "je" et du "moi" se fait sentir. Le rêve, le mystère et le fantastique sont également des thèmes fréquents. En fait, en cherchant à tous des points communs, le romantisme est à la base de plusieurs nationalismes en Europe.

Chateaubriand, par sa vie et son oeuvre, a inspiré le courant du romantisme français, mais à surtout servi d'inspiration au mouvement anglais.

Vous êtes un royaliste convaincu? Vous pensez que le romantisme pourrait vous intéresser? Vous adorez Chateaubriand? Et bien, pourquoi ne pas commencer vos recherches par ces quelques pistes?

Des livres. Il serait illogique de ne pas vous conseiller des livres écrits par Chateaubriand dans un article sur Chateaubriand. Bien que je n'en aie lu aucun, je pourrais vous suggérer les Mémoires d'outre-tombe, que je connaissais déjà de nom avant cet article, ou encore Atala et René, pour leurs aventures au pays des bananes et des singes, j'ai nommé le Mississippi.

En cuisine. Oui, vous avez bien lu, j'ai écrit "en cuisine" pour vous faire un périphérique de Chateaubriand. Donc voilà. Le chef privé de Chateaubriand a créé une façon de faire du boeuf. Je ne l'ai jamais lu, mais j'imagine que ça peut être intéressant. Voici l'article... hum hum... Wikipédia (si un de mes profs est en train de lire ce message, fermez vos yeux, s'il vous plait!) sur le sujet: http://fr.wikipedia.org/wiki/Chateaubriand_(cuisine)

En parallèle. Si vous êtes intéressés par le romantisme, je me permets de vous suggérer les romans de Madame de Staël, figure de proue du romantisme français, et, du côté anglais, les poèmes de Lord Byron, Samuel Taylor Coleridge, John Keats, William Blake, William Wordsworth et Percy Bysshe Shelley (est-ce que ça paraît que, dans mes cours d'anglais au CÉGEP, on m'a fait étudié les poètes romantiques anglais et que ça m'a marquée à vie?).

En ligne. Comme d'habitude, si vos profs ne vous donnent pas autant de lecture que les miens, vous pouvez aller jeter un regard à mon étagère consacrée à Chateaubriand sur Google Books. Vous y trouverez entre autre certaines de ses publications, des informations sur la Restauration et le romantisme français. http://fr.wikipedia.org/wiki/Chateaubriand_(cuisine)

Vous avez aimé cet article? Vous l'avez détesté? Très chère anonyme qui m'a mise au défi, l'aie-je relevé correctement? N'hésitez pas à m'en faire part dans vos commentaires, qui sont toujours lus et appréciés!

***

(1) Hugo, Victor. Les Misérables I, Paris, Gallimard, 1973 et 1995,  p.177

samedi 18 décembre 2010

95e anniversaire de la naissance d'Édith Piaf

Il y a 95 ans naissait Édith Piaf. Google.fr a décidé de commémorer l'occasion en lui faisant une banderole.

C'est l'occasion de se remémorer quelques unes de ces meilleures chansons! Je vous souhaite un merveilleux moment avec la grande dame de la chanson française!

Et merci à ma très chère amie, cette Parisienne anonyme qui trouve le temps, entre deux travaux, de me laisser des commentaires!

mercredi 17 novembre 2010

Édith Piaf

Il y a quelques mois déjà, j'ai assisté à un spectacle de chant dans lequel on jouait la chanson de Marie Carmen Piaf chanterait du rock (texte de Luc Plamondon et musique de Germain Gauthier). Mon oreille a failli tomber en hystérie quand j'ai entendu les paroles suivantes:

Piaf chanterait du rock
Elle serait elle aussi
Sous le choc de la musique rock

Ces paroles m'ont choqué. Peut-être me direz-vous qu'il n'y a rien de choquant là-dedans, mais voilà, Plamondon a fait une erreur: ce n'est pas Piaf qui serait sous le choc de la musique rock, mais bien au contraire le rock qui serait sous le choc de la grande Édith Piaf.

Édith Giovanna Gassion est née à Paris en 1915 et est morte à Grasse en 1963. Sa mère, une française d'origine italienne, est chanteuse, et son père, qui est né dans le Calvados, est un contortionniste.

Son prénom fait référence à celui d'Édith Cavell. Cavell était une infirmière anglaise vivant à Bruxelles (Belgique), qui s'était faite fusiller par l'armée allemande quelques mois avant la naissance de Piaf car elle faisait passé des militaires belges blessés aux Pays-Bas neutres.

Bref, lorsque Piaf nait, ses parents ne peuvent pas s'occuper d'elle (son père est dans l'armée, et sa mère est trop pauvre). On l'envoie donc chez sa grand-mère maternelle. Celle-ci, selon la légende, lui fait des biberons de vin rouge pour la calmer, et la laisse dans une saleté sans nom. Lorsque la petite Édith est âgée de 18 mois, son père (ou sa tante Zéphora selon les versions) vient la chercher et va la porter chez sa grand-mère paternelle, qui vit en Normandie et qui tient... une maison close.

Qu'à cela ne tienne! Piaf semble plutôt bien s'accomoder de son nouveau milieu de vie: les prostituées la choie, elle mange à sa faim et est bien habillée. Seul ennui: à l'âge de sept ou huit ans, elle perd la vue. Sa grand-mère entend parler de miracle arrivant sur la tombe de Thérèse Martin, et hop! elle embarque ses "filles" et sa petite-fille dans un train et se rend sur la tombe.

Thérèse Martin est la seconde sainte protectrice de la France (après Jeanne d'Arc). Après sa mort de la tuberculose en 1897 (elle était âgée de 24 ans), on commence à publier des écrits de cette jeune carmélite, qui sont à l'origine de tout un mouvement religieux appelé "la petite voix", qui prèche la recherche de la sainteté par les petits gestes du quotidien accomplis avec la foi en Dieu plutôt que dans les grandes actions.

Bref, Édith et ses "tantes" vont sur la tombe de Sainte Thérèse, prient, prennent un peu de terre et reviennent à la maison. Puis, on applique la terre sur les yeux de la fillette, et huit jours plus tard, la petite Édith retrouve la vue. De cette aventure, Piaf gardera une dévotion à Sainte Thérèse toute sa vie durant.

Mais les jours heureux de la maison close sont bientôt derrière elle. En 1922, son père revient la prendre, et elle mène avec lui une vie d'artiste dans les cirques ambulants, puis d'artistes de rue.

En 1930, elle cesse de chanter avec son père et commence à chanter avec Simone Berteaut, qui deviendra son amie. Elle est alors âgée de 14 ans. Trois ans plus tard, elle aura une fille avec Louis Dupont. L'enfant, prénommée Marcelle, mourra deux ans plus tard, probablement d'une méningite.

C'est en 1935 que Louis Leplée la découvrira et la surnommera "La Môme Piaf". Piaf est le mot populaire pour désigner un moineau, mais "La môme Moineau" était déjà pris. Leplée la présentera au compositeur Raymond Asso et à Marguerite Monnot, compositrice et pianiste qui deviendra son amie jusqu'à la toute fin.

C'est en 1936 qu'elle nous livre son premier album, "Les Mômes de la cloche". En avril de la même année, Leplé est assassiné chez lui. On découvre qu'il faisait parti de réseaux de banditisme de Pigalle, et on soupçonne Piaf (ou du moins, les médias laissent-ils entendre qu'il la soupçonne). Toutefois, forte du succès critique et populaire de son premier album, elle continue dans les cabarets.

En 1937, elle chante l'actualité coloniale en reprenant "Mon Légionnaire" et "Le fanion de la légion" (vous pouvez les entendre en cliquant sur les deux liens suivants: pour mon légionnaire (http://www.youtube.com/watch?v=Oueuo6tn3jI) et pour "Le fanion de la légion" (http://www.youtube.com/watch?v=IWvJwYWxJEs)). La même année, elle commence sa carrière de music-hall. En 1940, elle joue dans la pièce "Le Bel Indifférent" de Jean Cocteau, qu'il a écrit pour elle. Elle partage la vedette avec son amant du moment, Paul Meurisse. Toujours accompagné de celui-ci, elle jouera dans "Montmartre-sur-Seine" de Georges Lacombe l'année suivante.

Ce qui est méconnu, toutefois, c'est la place de Piaf durant l'Occupation allemande. Car comment une chanteuse (qui, avouons-le, n'a rien des pin-up américaines) pourrait-elle faire partie de la Résistance en chantant ses chansons d'amour? Et bien, en posant la question, on répond: Édith Piaf, en chantant, encourageait les résistants en chantant, présentant la Résistance sous les traits d'un amant (par exemple, la chanson "Tu es partout" (http://www.youtube.com/watch?v=RcXn9gHIkqM -- et que l'on entend notamment dans le film "Il faut sauver le soldat Ryan").

C'est également durant la guerre, en 1944, qu'elle perdra son père (puis sa mère en 1945). La même année, elle se produira au Moulin Rouge et rencontrera Yves Montand, qui assure la première partie de son spectacle. Ils deviendront amants (ils se quittent en 1946), et Piaf lancera sa carìère. L'année suivante, elle enregistre La vie en rose (http://www.youtube.com/watch?v=rKgcKYTStMc). Puis, en 1946, elle découvre Les Compagnons de la Chanson (Les trois cloches -- http://www.dailymotion.com/video/x1q33m_edith-piaf-les-trois-cloches_music) et part en 1947 faire une tournée aux États-Unis.

C'est là, en 1948, qu'elle rencontre Marcel Cerdan, champion du monde de boxe. Celui-ci meurt tragiquement dans un accident d'avion aux Açores, dans un vol Paris-New York, alors qu'il venait la rejoindre. C'est à cette époque que Piaf commence à prendre de fortes doses de morphines pour calmer sa polyarthrite aiguë. En sa mémoire, elle chantera L'Hymne à l'amour (http://www.youtube.com/watch?v=1gTGmbA40ZQ) et Mon Dieu (http://www.youtube.com/watch?v=X5GclOYR07s).

En 1951, Charles Aznavour devient son homme à tout faire. Il lui écrira notamment Jezebel (http://www.youtube.com/watch?v=gxjzc5wn9IE) et Plus bleu que tes yeux (http://www.youtube.com/watch?v=yrVZvyXLQKI). Puis, après son mariage avec Jacques Pills (entre 1952 et 1956), elle fréquente Georges Moustaki, qui lui écrit Milord (http://www.dailymotion.com/video/xjsc4_edith-piaf-milord_news). C'est avec lui qu'elle aura un grave accident de voiture en 1958, augmentant sa dépendance à la morphine.

En 1959, elle fait une chute sur scène à New York et subit plusieurs opérations. Elle revient à Paris. Là, Claude Léveillée lui composera deux chansons, Les vieux pianos (http://www.youtube.com/watch?v=_Fdr0s_Fp4k) et Boulevard du Crime (http://www.youtube.com/watch?v=R8Jn-9y4_cM&playnext=1&list=PL9CCE60CA158E9C3A&index=8). En 1961, elle sauve l'Olympia de la faillite (même si sa performance ce soir-là n'a pu se faire qu'après l'injection de fortes doses de morphine). Elle y interprète Non, je ne regrette rien (http://www.dailymotion.com/video/xcxc8x_edith-piaf-y-non-je-ne-regrette-rie_music). En 1963, elle épouse Théo Sarapo, avec qui elle interprète À quoi ça sert l'amour? (http://www.dailymotion.com/video/x4j49j_edith-piaf-theo-sarapo-ca-sert-a-qu_music).

Sa dernière chanson, L'Homme de Berlin (http://www.youtube.com/watch?v=460wnNCb9qc), est enregistrée en 1963. Elle meurt d'un anévrisme le 10 octobre de la même année, à Plascassier, et est enterrée au cimetière du Père-Lachaise.

Malgré sa dévotion à Sainte Thérèse et sa foi, elle ne peut avoir des obsèques religieuse puisqu'elle est divorcée et qu'elle a vécue sa vie "en état de péché public" selon L'Osservatore Romano.


Piaf vous passionne autant que moi? Vous aimeriez en savoir plus sur elle, question de me coincer sur une question piège pour que j'arrête d'en parler?

Sa vraie vie. La vie de Piaf est encore cent fois plus fascinante quand on la lit dans une biographie plutôt que sur mon blog! Si si, je vous le dit! Les biographies sur Piaf abondent, votre bibliothèque locale en a probablement quelques unes à vous proposer. Vous en connaissez? N'hésitez pas à nous les suggérer!

Des films. Piaf a fait des dizaines de films, notamment une apparition dans Si Versailles m'était conté... de Sacha Guitry, pratiquement introuvable au Québec! Le film sur sa vie intitulé La Môme (renommé La vie en rose hors de la France) est géniallissime.

Des documentaires. Historia lui a consacré un épisode de sa série Biography. À voir si vous vous débrouiller en anglais (ou que vous êtes capable de lire les sous-titres en russe). Voici le lien: http://www.youtube.com/watch?v=ue1pRDnVRqg&feature=&p=85CD8B586219F1B7&index=0&playnext=1

En parallèle. Vous voulez en apprendre plus sur l'histoire d'amour entre Édith Piaf et Marcel Cerdan? Je vous conseille Piaf-Cerdan, un hymne à l'amour, de Patrick Mahé et Dominique Grimault.

En ligne. Vous trouverez, comme d'habitude, une étagère de ma bibliothèque Google Books sur Piaf et la chanson française en général à l'adresse suivante: http://www.google.com/books?uid=5193644990311896005&as_coll=1011&hl=fr&source=gbs_lp_bookshelf_list Des playlists Dailymotion et YouTube ont également été créée pour que vous puissiez entendre la puissance des chansons de Piaf: http://www.youtube.com/watch?v=n2s2tPORlW4&feature=&p=09EA3BA8D4C66183&index=0&playnext=1 et http://www.dailymotion.com/playlist/x1ggcd_ValeriePotvin_chansons-d-edith-piaf#videoId=x25ige

J'ai omis un évènement important de la vie de Piaf? Vous voulez me partager vos souvenirs qui lui sont rattachés? Me donner encore plus de lecture sur sa vie? N'hésitez pas à laisser un commentaire!

lundi 8 novembre 2010

La Première Guerre mondiale et le 11 novembre


Depuis deux semaines, les coquelicots commencent à fleurir nos collets. Mais que veut dire cette fleur? D'où vient-elle? Et surtout: on sait tous que c'est le jour du souvenir, mais... de quoi nous souvenons nous?

Tout d'abord, réglons la question du coquelicot, cette jolie fleur rouge. Le coquelicot est en fait ce que nous connaissons sous le nom de pavot. Ne partez pas en peur! Le pavot est légal (du moins, au Canada), et vous connaissez probablement quelques personnes qui en ont dans leur jardin. Ce qui est illégal, ce sont les graines de pavot, quand on les apprête pour en faire différentes drogues (à l'époque de la Grande Guerre, l'héroïne n'avait pas été inventée, mais on connaissait très bien l'opium, comme le démontre les fumeries qui fleurissaient un peu partout). La raison de son nom est fort simple: c'est une déviation du terme de l'ancien français cocorico (chant du coq), en référence à sa couleur similaire à celle du chef du poulailler.

Pourquoi portons-nous un coquelicot à notre collet le 11 novembre? Tout d'abord, simplifions les choses: le tout est un symbole du Commonwealth. Les Français, eux, utilisent les bleuets. Ensuite, deux origines sont présentée:

1. Le lieutenant-colonel canadien John McCrae, qui était du Corps de santé royal canadien, a écrit un poème en 1915, après avoir été témoin de la seconde bataille d'Ypres. Il y utilise le coquelicot comme allégorie. En voici un extrait (1):

In Flanders fields the poppies blow
(Dans les champs de Flandres, le coquelicot se balance)
Between the crosses, row on row
(Entre les croix, de rangées sur rangées)
That mark our place; and in the sky
(Qui marquent notre place; et dans les cieux)
The larks, still bravely singing, fly
(Les alouettes, chantant toujours avec courage, volent)
Scarce heard amid the guns below.
(Rarement entendues parmi les fusils qu'elles survollent.)

2. L'autre théorie est moins poétique. Les coquelicots poussaient sur les pires champs de bataille de la Somme et des Flandres. Les soldats auraient donc associé sa couleur rouge à celle du sang versé durant la guerre.

Mais maintenant, il faut se concentrer sur la vraie source du coquelicot: la Grande Guerre.

Cet article ne se veut pas un résumé de toutes les grandes batailles de la Première Guerre mondiale. Il n'est pas exaustif non plus: certains sujets ont délibérément été mis de côté. Les commentaires qu'il contient n'ont pas été écrits pour choquer, et nous vous prions d'accepter nos plus plates excuses s'ils vous offensent. Si vous souhaitez partager des évènements s'étant déroulés durant la guerre, ou commenter sur ceux mentionner dans l'article, ne vous gênez pas pour poster des commentaires.

La Première Guerre mondiale prend sa source aussi loin que durant la Commune de Paris. Car la France, en 1870, se bat sur deux fronts: Paris, et les petits états de l'ancien Empire romain germanique.

En 1870, l'Allemagne comme nous la connaissons actuellement, n'existent pas: il s'agit, en fait, de plus de deux cent petites principautés allemandes, toutes indépendantes les unes des autres. La plus grande de ses principautés est la Prusse, mais celle-ci est divisée en deux par plusieurs États. Une première tentative d'homogénisation est tentée en créant la Zollverein, une union douanière afin que des marchandises puissent passer d'une section de la Prusse à une autre sans avoir à payer une taxe sur TOUS les petits états traversés. Mais la véritable union se produit avec Otto von Bismarck. (2) Bismarck a pour but de former une Allemagne unie. Il met donc en branle le stratagème suivant:

- Il place toute son armée à la frontière avec l'Autriche de l'empereur François Joseph Ier (oui, c'est celui de Princesse Sissi). Puis, il écrit une lettre à l'empereur Napoléon III en France: il lui dit qu'il s'apprête à envahir l'Autriche, et que, si Napoléon III se sentait l'envie de conquérir quelques petits états allemands à la frontière de la France, Bismarck ne s'opposerait pas. Napoléon III, heureux de tout cela, réécrit à Bismarck pour lui dire combien l'idée l'enchante et que, c'est bien d'accord, il va conquérir les petits états.

- Cependant, l'armée prussienne est déjà au porte de l'Autriche. À l'époque, lever une armée prenait plusieurs semaines, sinon plusieurs mois. François-Joseph n'a pas le temps de lever une armée, et l'Autriche est vaincue en quelques semaines. Toutefois, l'empire austro-hongrois reste une puissance non-négligeable, et Bismarck ne veut pas s'en faire un ennemi, aussi signe-t-il un traité assurant à l'Autriche la protection de l'Allemagne si celle-ci est attaquée.

- Entre temps, ses troupes étant occupés avec la Commune, Napoléon III n'a pas eu le temps de lever une autre armée pour aller conquérir les petits états dont il était question plus tôt. Bismarck, lui, trouve tout le temps d'envoyer la lettre que Napoléon lui a renvoyer aux journaux. Les états allemands sont indignés: quoi? Ce faire conquérir? Hors de question! Bismarck arrive avec la proposition suivante: la Prusse est toute puissante, elle vient de vaincre l'empire autrichien. Pourquoi ne pas s'allier à elle et vaincre les Français. On trouve l'idée plutôt bonne, on s'allie, et le plan de Bismarck fonctionne. On signe le traité mettant fin aux guerre Franco-Prussienne de 1870 à Versailles. Les états allemands et la Prusse sortent grands gagnants. Bismarck propose alors de s'allier sur le plan constitutionnel: l'Allemagne naît en 1871 (ce que l'on connaît comme le Deuxième Reich est compris de cette date jusqu'en 1918).

- Et qu'est-ce que l'Allemagne gagne, lors de ce traité? Tout d'abord, l'Alsace-Lorraine (3). Mais pourquoi est-ce que tout le monde est intéressé par ce territoire? Tout d'abord, sa forte population. Et ensuite, ses richesses naturelles. De plus, l'Allemagne impose une somme absolument gigantesque aux Français pour les dommages causés durant la guerre, plus à titre d'humiliation qu'autres choses.

Les guerres franco-prusses de 1870-1871 sont donc le dernier grand conflit avant la Première guerre mondiale. Toutefois, ce n'est pas parce qu'on est en période de paix qu'on ne pense pas à la guerre. On crée de nouvelles armes. Mais on a pas d'occasion de les essayer. Et franchement, ça démange un peu de les tester.

Il y a aussi le problème des traités. Comme on l'a vu plus tôt, l'Allemagne défendera l'Autriche si elle est attaquée. Il y a aussi la France et l'Angleterre qui défenderont la Belgique. Et ça, c'est sans compter les colonies: l'Angleterre et la France se partage l'Afrique, avec ici et là des touches allemandes, portugaises, etc. L'Europe est en Asie (Vietnam, Inde, Hong Kong, etc.). Et enfin, il y a les colonies américaines: n'oublions pas que le Canada fait toujours partie du Commonwealth britannique, et que sa constitution ne lui a donné qu'une minime indépendance. Les États-Unis sont les seuls sur le continent américain qui entreront en guerre de leur propre gré.

Finalement, il y a les ambitions territoriales. L'empire d'Autriche-Hongrie, qui a déjà obtenu la Bosnie-Herzégovine, souhaite obtenir un accès à la Mer Noire. La Russie, qui ambitionne non seulement sur les Balkans, aimerait avoir un port donnant sur la Méditérannée en ayant les Détroits de Dardanelles et du Bosphore. Et, bien sûr, la France aimerait bien reprendre l'Alsace-Lorraine.

C'est bien beau tout ça, mais comment ça a commencé, la Première guerre mondiale? La réponse qu'on nous a forcé a apprendre par coeur est simple: c'est à cause de l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand. Mais c'est qui, lui?

François-Ferdinand d'Autriche est l'héritier à la couronne autrichienne. Mettons tout de suite les choses au clair: ce n'est pas le fils de la princesse Sissi. En fait, c'est le fils du frère cadet de l'empereur François-Joseph Ier, mais après la mort du fils de celui-ci, il devient l'héritier de la couronne, étant le mâle le plus proche de la couronne d'un point de vue héréditaire. Lui et son épouse meurent le 28 juin 1914 à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine), victime d'un attentat par le serbe Gavrillo Princip, un étudiant. Mais en quoi c'est important?

La Bosnie-Herzégovine est passée, en 1878, de l'empire ottoman à l'empire autrichien, au mécontentement de la Russie, qui se consìdère comme la protectrice des Slaves. François-Joseph Ier (qui a maintenant 84 ans) voit ainsi le seul héritier possible pour la courrone autrichienne mourir, ce qui concrétise la fin de la maison de Habsbourg-Lorraine. L'affront est assez important pour déclarer la guerre.

L'Autriche déclare donc la guerre à la Serbie, en s'appuyant sur l'Allemagne. La Serbie, elle s'appuie sur la Russie. De manière préventive, l'Allemagne envahie la Belgique et le Luxembourg. La Belgique étant reliée par traités à la France et au Royaume-Uni, ceux-ci entre en guerre également. Et ainsi de suite.

La Première Guerre mondiale n'est pas une guerre mobile, comme la Deuxième. On organise des tranchées en face de celles de l'ennemis, on se tire dessus. On gagne quelques mètres. Le lendemain, on recommence. Cette fois-ci, on perd quelques mètres. Pas étonnant qu'à ce rythme-là, la Bataille de la Somme s'étende du 1er juillet au 18 novembre 1916.

Mais les tranchées présentent certains problèmes: les hommes sont proches les uns des autres. Les conditions sanitaires ne sont pas excellente. On meurt de la tuberculose, du typhus. L'hiver, il fait froid. L'été, il fait chaud. Les femmes sont loins. Les attaques sanglantes.

On se rend compte aussi de nouvelles difficultés, que les guerres en rang du XVIIIe et XIXe siècle ne nous ont pas montrés. Tout d'abord, les tranchés sont creusées à même le sol, et impliquent donc que certaines parties soient souterraines. Hors, après avoir tiré sur les tranchées ennemies, les soldats doivent se rendre dans les tranchées mêmes et achever les soldats à la baïonnettes. Comment savoir si certains ne se sont pas réfugiés dans un des tunnels? Effectivement, c'est le genre de chose qu'il est préférable avant de s'y retrouver, un couteau sur la gorge. On invente donc le lance-flamme. Et puis, ça en fait tout de même beaucoup à achever, des soldats, après les tirs, et la proximité des attaques à la baïonette traumatise. Comment réussir à diminuer au maximum l'ennemi avant d'envoyer les hommes dans les tranchées? Solution: le gaz moutarde (avis aux chimistes: sa formule est le C4H8Cl2S). En gros, lorsque l'on entre en contact avec ce gaz, on souffre de brûlure, mais alors là, extrême: celles-ci causent de la cécité, des brûlures aux poumons, sur la peau.

Lorsque la guerre est déclarée en août 1914, on pense qu'on pourra revenir avec la victoire pour Noël. La réalité est tout autre. L'Armistice est signée le 11 novembre 1918, à 11h00 (le 11/11 à 11: on pense ainsi que ce sera plus facile à retenir pour la population). On la termine par le traité de Versailles, en 1919, dont je ne parlerai pas ici. La France et le Royaume-Uni sont grand vainqueur, au dépend de l'Allemagne et de l'Autriche. La Russie, aux prises avec la guerre civile, a signé une paix séparée en 1917. L'Italie, qui avait hésité entre les Alliés et la Triple Alliance, se trouve insatisfaite. Les bases de la Deuxième guerre mondiale sont jetées.

Mais avec tout ça, pourquoi porte-t-on un coquelicot le 11 novembre?

On veut se souvenir des morts, des blessés, des vétérans. La Grande Guerre aurait fait 9 millions de morts, 8 millions d'invalides (selon le grand dieu Wiki, ça ferait 6 000 morts par jour). C'est un des conflits les plus meurtriers de l'Histoire. En France, par exemple, c'est toute une génération d'homme qui disparait, ce qui cause un vieillissement précoce de la population. Donc, on porte le coquelicot pour dire: plus jamais de conflits, parce qu'on ne veut plus jamais autant de morts.

La Première guerre mondiale n'était pas connu sous ce nom en 1914-1918: c'était la Grande Guerre. Après Versailles, c'est devenu la Der des ders, la guerre qui devait mettre fin à toutes les autres. Si ça continue comme ça, on a pas fini de le porter, notre coquelicot...


Toujours là? Le sujet vous intéresse? Vous voulez poussez plus loin vos connaissances sur le sujet?

Des documentaires. Des playlists sur YouTube et Dailymotion ont été ajoutées sur mon compte par rapport à ce sujet.

Des films. Depuis le début du XXIe siècle, les films sur la Première Guerre mondiale ont le vent dans les voiles. À noter les films français Joyeux Noël (basé sur des évènements historiques, représente très bien la difficulté de la vie quotidienne dans les tranchées tout en donnant un regard humain sur la guerre) et Un long dimanche de fiançailles (sur les conséquences suivant la guerre sur les civils et les soldats, avec une vue plutôt réaliste sur la vie dans les tranchées et la justice militaire de l'époque). Et, bien sûr, le traditionnel À l'Ouest, rien de nouveau (All Quiet on the Western Front), pour les fans du cinéma américain du début des années 1930.
Des romans. Parce que, avant d'être un film, l'écrivain allemand Erich Maria Remarque a écrit le roman À l'Ouest, rien de nouveau en 1929.

Des poèmes. Parce que la Grande Guerre a donné naissance aux mouvements surréalistes et dadas, la poésie abonde sur la guerre de 14-18. Guillaume Appolinaire, précurseur du surréalisme, est d'ailleurs mort en 18 à la suite d'une blessure de guerre. Du côté anglais, Wilfred Owen retient l'attention, avec des poèmes comme (Dulce Et Decorum Est, Anthem for Doomed Youth). Owen a écrit ces deux poèmes alors qu'il était lui-même dans les tranchées. Dulce Et Decorum Est contient d'ailleurs une excellente description des effets du gaz moutarde (le poème a été illustré par des dessins animés 3D plutôt réalistes sur YouTube par le vidéo suivant: http://www.youtube.com/watch?v=P4Lzo_EXXOQ)

En parallèle. Deux évènements ont retenu l'attention entre 1914 et 1918 (autre que la guerre, bien sûr). Le premier, aux répercussions immédiates, fut la Révolution russe de 1917, qui eut pour conséquence la chute du tsarisme et l'assassinat de la famille royale. Si vous vous intéressez à la Révolution russe, les deux documentaires suivants peuvent vous intéressé.










  • Si vous êtes plus intéressée par le sort de la famille de Nicolai II, vous pouvez aller voir les deux documentaires suivants:
    L'autre cas s'étant déroulé durant la première guerre mondiale est l'exécution de Mata Hari, accusé par les Français d'espionnage pour le compte de l'Allemagne. Secret d'Histoire, le 24 février 2008, lui a consacré un épisode (http://www.youtube.com/watch?v=_1BnMeWReb0&feature=&p=2C61C6501489ABC1&index=0&playnext=1)

    En ligne. Une étagère sur ma bibliothèque a été créée spécialement pour l'occasion. Vous y trouverez des livres notamment sur le déroulement et les conséquences de la guerre, qui sont des aspects que j'ai négligé dans l'article. Le lien est le suivant: http://books.google.ca/books?uid=5193644990311896005&as_coll=1010&hl=fr&source=gbs_lp_bookshelf_list

    Si vous avez des anecdotes, des informations ou des commentaires, n'hésitez pas à nous les envoyer!


    **********

    (1) McCrae, John. "In Flanders Fields." Wahington State University. http://www.wsu.edu:8080/~wldciv/world_civ_reader/world_civ_reader_2/mccrae.html (accédé le 8 novembre 2010)

    (2) Le présent paragraphe est, en gros, un résumé extrême de mon cours d'Histoire de secondaire 5.

    (3) Comme on m'a déjà dit que la Lorraine n'avait jamais été échangée, il faut que je mette une source ici: Krebs, Gilbert. "La question d'Alsace-Lorraine." La naissance du Reich. sous la dir. de Gilbert Krebs et Gérard Schneilin. http://books.google.ca/. Désolée à tous les Lorrains et Lorraines! Je ne veux pas froisser quique ce soit!

    Marie-Antoinette

    Marie-Antoinette (1755-1793) est née archiduchesse autrichienne. Fille de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche et de son mari François Ier, sa naissance est cependant de fort mauvais présages : née le 2 novembre 1755, elle suit le terrible tremblement de terre qui a secoué Lisbonne, à la Toussaint. Que cela ne tienne : la jeune fille vit une enfance heureuse et libre dans le palais de Schönbrunn, entourée de sa famille, et dans l'absence relative d'étiquette (tout du moins si l'on compare le palais autrichien à la cour de Versailles, ou à celle d'Espagne à la même époque).

    La jeune fille quitte Vienne à quatorze ans pour Paris afin d'épouser le Dauphin Louis-Auguste, futur Louis XVI. Celui-ci a perdu ses parents à un très jeune âge, et est ridiculisé depuis longtemps à cause de ses yeux globuleux (plusieurs pensent aujourd'hui qu'il ne souffrait pas de myopie, comme plusieurs l’ont cru, mais que ses yeux reflétaient seulement la tristesse causée par la douloureuse perte de ses parents, accentuée par la solitude dans laquelle le plongeait l'étiquette de Versailles (1)).

    Le mariage du dauphin français et de l'archiduchesse autrichienne est, bien sûr, davantage un évènement politique que romantique. Les deux pays viennent de sortir de la guerre de Sept Ans et l'alliance des deux jeunes enfants est une alliance politique : les Habsbourg d'Autriche et les Bourbon de France font partie des plus grandes puissances de l'époque. L'Autriche, entre autres, espère pouvoir influencer la jeune fille dans les affaires d'État. C'est sans compter sur la personnalité évasive de Marie-Antoinette : lorsque l'on commence à parler de fiançailles avec la France, la jeune fille ne parle pas français, et ses rudiments de lecture et d'écriture en allemand sont plus que précaires. Toutefois, la jeune fille a une personnalité enjouée, qui n'est pas sans déplaire (2).

    Le mariage par procuration a lieu le 19 avril 1770. La cérémonie avec le dauphin, elle, n'aura lieu que le 16 mai de la même année, dans la chapelle de Versailles. Le choc n'aurait pas pu être plus grand entre la cour de Vienne et celle de Versailles : l'étiquette y est beaucoup plus rigide. De plus, la pauvre Marie-Antoinette, passée du pieux catholicisme conservateur au catholicisme relâché de la cour de France, est en état de choc. Son « grand-père », le roi Louis XV (3), vivait ouvertement avec sa maîtresse en titre, Madame du Barry, ce qui la choquait profondément. La jeune dauphine n'adressa la parole qu'une seule fois à cette femme en public, après de multiples supplications de l'ambassadeur autrichien à Versailles et de sa propre mère, se contentant d'un simple : « Il y a bien du monde aujourd'hui à Versailles. » (4) Ces simples mots, bien que représentant une immense humiliation pour la jeune fille, évitèrent sans doute un malentendu entre les deux États, et l'empêchèrent probablement de retourner d'où elle venait (un retour qui aurait pu, cependant, lui sauver la vie).

    Mais la position de Marie-Antoinette, comme celle de toute épouse de roi à l'époque, n'était pas assurée tant qu'elle ne mettait pas au monde un héritier pour la Couronne. Or, malgré les interventions répétées de l'impératrice Marie-Thérèse et la visite de son frère Joseph, l'héritier tant attendu tarda à venir. La raison était de source médiale : le roi souffrait de phimosis, une condition rendant douloureuse la pénétration (et coupant donc à court la possibilité de la création d'un héritier). (5)

    Cette consommation tardive du mariage royal et les difficultés sexuelles de son mari sont probablement les causes de plusieurs problèmes pour Marie-Antoinette. Ainsi, le fait que Louis XVI ne prit jamais de maîtresse connue (du moins officiellement) a causé de grands problèmes à sa femme : la division traditionnelle entre la reine et la maîtresse en titre n'était plus observée. Dans l'ancien régime, la reine se contentait de prier et de faire des enfants, alors que la maîtresse en titre se voyait couverte de cadeaux, divertie à la cour à grands coups de fêtes plus coûteuses les unes que les autres et même, dans certains cas, appelée à gérer les affaires politiques (le souvenir de Madame de Pompadour exerçant toute sa puissance sur Louis XV est encore bien proche à ce moment). Donc, lorsque les finances vont mal, lorsque le pays est en guerre, ou lorsque la cour est en débauche, le peuple sait qui pointer du doigt : c'est la faute de la maîtresse en titre. Mais, durant tout le règne de Louis XVI, aucune femme n'est présentée ainsi. Qui faut-il donc pointer du doigt? Et bien, la reine a une somptueuse garde-robe. De plus, la reine est une adepte des soirées de jeux. Elle s'endette donc chez les modistes et les tables de jeu. Le peuple ne doit donc pas pousser bien loin : si les finances vont mal, c'est sûrement à cause de la reine. Et si jamais une guerre civile se déclare entre les aristocrates (n'oubliez pas que, pour emmerder l'Angleterre, Louis XVI envoie des troupes dans la colonie anglaise, oubliant qu'encourager une colonie à se rebeller contre la métropole légitime autorise son propre peuple à se rebeller contre son souverain), c'est aussi la faute de la reine! (6)

    Marie-Antoinette, non contente de s'aliéner du peuple par ses dépenses, s'éloigne également des nobles. Louis XIV, soucieux d'empêcher une autre révolte des nobles comme celles de la Fronde ayant eu lieu durant la régence de sa mère, les avait « emprisonnés » à Versailles : ainsi, la vie d'un noble ne se limitait plus à prendre le pouvoir par des guerres, mais plutôt à le prendre par des flatteries et en ayant un accès privilégié à différentes personnes. Ces nobles logeaient dans le palais ou dans la ville, qui regorgeait alors de logements miteux à la portée de toutes les bourses (7). Louis XIV avait su utiliser la situation à son avantage, en se présentant régulièrement devant ses courtisans pour leur donner des privilèges et en créant la stricte étiquette reconnue à la cour française afin d'éviter que l'on ne se pile davantage sur les pieds. Mais c'est là son erreur : aussi pointilleux, perfectionniste et contrôlant qu'il était, même le Roi Soleil était incapable de rester constamment dans son étiquette. Aussi, sur le terrain de Versailles, créa-t-il le Grand Trianon, où l'étiquette, plus lâche, lui permet de passer du temps avec sa famille (légitime ou non). Son arrière-petit-fils, Louis XV, créera le Petit Trianon, avec l'aide de sa maîtresse en titre, Madame de Pompadour, mais la mort de celle-ci permettra à Madame du Barry d'en prendre possession. À la mort de Louis XV, et avec la disgrâce de la du Barry qui s'en suivit, Louis XVI offrit le Petit Trianon à son épouse.

    Marie-Antoinette apprécie tout de suite son nouveau « cadeau ». Elle s'y réfugie de plus en plus, à l'abri de l'étiquette, en compagnie de ses amies : la princesse de Lamballe, la duchesse de Polignac, son beau-frère, le comte d'Artois, et, bien sûr, le bel Axel de Fersen, un comte suédois. Sa relation avec le comte de Fersen est ambigüe (rien pour arranger la réputation de la reine, qu'on accuse tour à tour de promiscuité, d'homosexualité et d'inceste). Alors que Zweig assure qu'ils sont amants du temps de Trianon, plusieurs prétendent qu'ils ne le sont qu'une fois la Révolution passée.

    Ce qui est sûr, c'est que Fersen joue un rôle clef dans la fuite à Varennes : il en est à la fois l'instigateur et l'organisateur. Une fois la Révolution commencée, après la marche des femmes sur Versailles pour obtenir du pain, on transporte la famille royale (Louis XVI, Marie-Antoinette, leur fille Marie-Thérèse et le dauphin, ainsi que Madame Élizabeth, sœur de Louis XVI) au palais des Tuileries. Les railleries des gardes révolutionnaires jaillissent de tout côté. Les citoyens entrent dans le palais pour se plaindre directement au roi. En autres mots, leur sécurité est menacée. On organise donc leur fuite et on leur fournit de faux passeports : ils quittent le palais dans la nuit. Madame Élizabeth, déguisée en duchesse russe, est accompagnée de Louis XVI, déguisé en valet, de Marie-Antoinette, déguisée en gouvernante, et des enfants, tous deux vêtus en fille pour l'occasion. Malheureusement, ils se perdent en chemin, et sont forcés de demander la route : pour remercier l'homme, Louis XVI lui donne un louis d'or (un peu comme si on vous donnait un billet de mille dollars). Le tout est suspect : dans le prochain village, le contrôle des passeports est plus serré. Ils sont pris, et envoyés au Temple.

    On emmène Louis XVI dans des appartements séparés de ceux de sa famille, et on l'exécute le 21 janvier 1793 sous des chefs de trahison, de conspiration et d'anticonstitutionnalisme (il n'a pas respecté son rôle constitutionnel de roi des Français). Le même jour, on force Marie-Antoinette à se séparer de son fils, le dauphin, qu'on envoie chez le citoyen Simon. Puis, vient le procès de Marie-Antoinette.

    Mais sur quoi juger cette reine volage, qui n'a visiblement eu aucune influence sur la politique de son mari? L'achat d'une robe a-t-il entraîné de si grandes pertes pour les finances françaises? Si la mode est un crime, autant exécuté toutes les femmes de Paris. Est-elle une traîtresse? Communique-t-elle avec son frère, l'empereur allemand? Et puis, l'exécution du roi a soulevé les fureurs des monarchistes en Vendée. Les grandes monarchies d'Europe, qui avaient toutes un lien avec la famille royale française (Louis XIV a obtenu l'Espagne à un de ses fils, Marie-Antoinette est la soeur de l'empereur d'Autriche et la filleule du roi du Portugal, entre autres), commencent à menacer de guerres.

    Le citoyen Simon permet de résoudre les dilemmes juridiques : il a surpris le dauphin en pleine séance de plaisirs solitaires, péché mortel. Menaçant, le citoyen Simon lui demande qui lui a montré de telles habitudes. Le dauphin répond presque instantanément, avec toute la méchanceté des enfants : sa mère et sa tante, apparemment, l'avaient déjà surpris, et sa mère, restée tout de même pieuse malgré les excès de Trianon, l'avait puni pour secourir son âme, qui risquait la damnation éternelle. Mécontent d'avoir été puni, le jeune dauphin simplifia sa réponse : c'était sa mère qui le lui avait montré. Le citoyen Simon ne chercha pas plus loin : la reine avait déjà une réputation de débauchée, d'infidèle et d'homosexuelle, et, après tout, l'inceste était punissable sous la Révolution.

    On porte donc Marie-Antoinette devant le tribunal révolutionnaire le 3 octobre 1793, sous les chefs d'accusation d'inceste. On fait témoigner le dauphin. Dans une tirade restée célèbre, Marie-Antoinette en appel à toutes les mères pour juger de l'ignominie d'une telle accusation. Puis, pour faire un procès politique (car Marie-Antoinette reste un symbole monarchique et il faut s'en débarrasser, mais avant, il faut la diaboliser aux yeux du peuple), on monte rapidement un dossier et on demande au jury de la juger sur des accusations de traîtrise, de conspiration et autre. Le jury la déclare coupable.

    Son dernier portrait est attribué à David, le futur peintre de Napoléon Ier, et révolutionnaire farouche. La belle adolescente n'a plus sa place dans les traits de cette femme que la vie n'a pas épargnée : ses cheveux, autrefois coiffés en poufs extravagants, sont coupés court pour que l'on puisse placer la guillotine sur sa nuque. Fini les robes à panier : le vêtement semble rude. Ses traits n'ont plus la finesse d'autrefois.

    Marie-Antoinette sera décapitée, place de la Révolution, le 16 octobre 1793.





    Si cet article ne vous a pas déprimé, et qu'il vous a même plutôt plu, voici quelques suggestions pour continuer à en apprendre davantage sur cette reine de France :

    Sa vraie vie. La bibliographie de Stefan Zweig (vous trouverez la notice bibliographique plus loin) fait consensus dans la matière depuis les années 30. Auteur de nouvelles littéraires, sa plume est agréable.

    Des films. Il y a, bien sûr, le film de Sofia Coppola, fait en 2006 (Marie-Antoinette). Les costumes et les décors sont magnifiques, mais, si vous vous intéressez à l'Histoire, privilégiez le film de Van Dycke, réalisé en 1938, avec Norma Shearer et Tyronne Power. Toutefois, pour un télé-film québécois de 2006, vous aurez une des meilleures qualités possible : la lecture de la dernière lettre de Marie-Antoinette que fait Karine Vanasse est absolument émouvante. Voici un lien vers la playlist créée spécialement pour l'occasion : http://www.dailymotion.com/playlist/x1gd4w_ValeriePotvin_marie-antoinette#videoId=z7mqd


    En parallèle. Peu importe ce que l'on vous dira, Louis XVII n'a pas survécu au Temple. Il N'Y A PAS de conspiration d'État, sauf dans les excellents romans que vous trouverez sur le sujet. Et je peux vous assurer que Marie-Antoinette et Louis XVI n'ont pas survécu à leur décapitation. Le seul membre de la famille royale à y avoir survécu est leur fille, Marie-Thérèse. D'ailleurs, une excellente biographie de la jeune fille a été écrite récemment (Nagel, Susan. Marie-Thérèse : The Fate of Marie Antoinette's Daughter. Londres : Bloomsburry, 2008). Avis aux intéressés qui parlent anglais.

    En ligne. Une étagère a été créée sur ma bibliothèque Google. Libre à vous d'y naviguer. Voici le lien : http://www.google.com/books?uid=5193644990311896005&as_coll=1002&hl=fr&source=gbs_lp_bookshelf_list


    Si vous avez des histoires intéressantes concernant Marie-Antoinette, des suggestions littéraires ou cinématographiques, ou tout simplement des commentaires, ne vous gênez pas. Nous ne recevons pas de salaire pour ce blogue, et vos commentaires sont notre seule rémunération.


    Cet article a été créé par : Valérie-Claude.

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    (1) Bordonove, Georges. « Louis XVI : Le roi martyr. » Les Rois qui ont fait la France. Paris : Pygmalion, 1983.

    (2) Zweig, Stefan. Marie-Antoinette. Trad. de l'allemand par Alzir Hella. Paris : Grasset, 1933.

    (3) Le concept de la « belle-famille » (family-in-law) n'existait pas à l'époque. Aussi, Marie-Antoinette ne considérait-elle probablement pas Louis XV comme le grand-père de son époux, mais comme son propre grand-père. Pour cette raison, plusieurs historiens considèrent que l'idée d'une relation illicite entre Louis XIV et Henriette-Anne d'Angleterre, l'épouse de son frère, comme illogique, car le Roi-Soleil était « entraîné » à considérer la femme qui porterait ce titre comme sa propre soeur, et qu'une relation entre eux serait revenue à un inceste de premier degré, condamnant son âme à la damnation éternelle. Toutefois, le fait que cette même Henriette-Anne soit sa cousine (Louis XIII et Henriette-Marie de France, la mère de Henriette-Anne étant frères et soeurs) n'aurait pas été gênant, puisque Louis XIV a épousé Marie-Thérèse d'Autriche, qui était doublement sa cousine (par Anne d'Autriche et Philippe IV d'Espagne, frères et soeurs, et par Louis XIII et Élizabeth de France, frères et soeurs également). Source : Fraser, Antonia. Love and Louis XIV : The Women in the Life of the Sun King. London : Phoenix, 2006.

    (4) Zweig, p. 67.

    (5) Androutsos, George. « Le phimosis de Louis XVI (1754-1793) aurait-il été à l'origine de ses difficultés sexuelles et de sa fécondité retardée? » Histoire de l'urologie. 2002. Vol. 12. p. 132-137. http://www.urofrance.org/fileadmin/documents/data/PU/2002/PU-2002-00120132/TEXF-PU-2002-00120132.PDF (accédé le 7 novembre 2010)

    (6) Voir l'épisode de Secret d'Histoire consacré à Madame de Pompadour, le 25 avril 2007.

    (7) Pour avoir un bel exemple de ce qu'un courtisan ne devait PAS faire, le roman Le Montespan (Jean Teulé, Paris : Julliard, 2008) présente le portrait du mari d'une des plus célèbres maîtresses en titre de Louis XIV. Pour en savoir plus sur le sort des courtisans à Versailles, ce site très complet est un bon début : http://versailles.blogspot.com/2008/10/les-courtisans-et-leurs-logements-au.html