Marie-Antoinette (1755-1793) est née archiduchesse autrichienne. Fille de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche et de son mari François Ier, sa naissance est cependant de fort mauvais présages : née le 2 novembre 1755, elle suit le terrible tremblement de terre qui a secoué Lisbonne, à la Toussaint. Que cela ne tienne : la jeune fille vit une enfance heureuse et libre dans le palais de Schönbrunn, entourée de sa famille, et dans l'absence relative d'étiquette (tout du moins si l'on compare le palais autrichien à la cour de Versailles, ou à celle d'Espagne à la même époque).
La jeune fille quitte Vienne à quatorze ans pour Paris afin d'épouser le Dauphin Louis-Auguste, futur Louis XVI. Celui-ci a perdu ses parents à un très jeune âge, et est ridiculisé depuis longtemps à cause de ses yeux globuleux (plusieurs pensent aujourd'hui qu'il ne souffrait pas de myopie, comme plusieurs l’ont cru, mais que ses yeux reflétaient seulement la tristesse causée par la douloureuse perte de ses parents, accentuée par la solitude dans laquelle le plongeait l'étiquette de Versailles (1)).
Le mariage du dauphin français et de l'archiduchesse autrichienne est, bien sûr, davantage un évènement politique que romantique. Les deux pays viennent de sortir de la guerre de Sept Ans et l'alliance des deux jeunes enfants est une alliance politique : les Habsbourg d'Autriche et les Bourbon de France font partie des plus grandes puissances de l'époque. L'Autriche, entre autres, espère pouvoir influencer la jeune fille dans les affaires d'État. C'est sans compter sur la personnalité évasive de Marie-Antoinette : lorsque l'on commence à parler de fiançailles avec la France, la jeune fille ne parle pas français, et ses rudiments de lecture et d'écriture en allemand sont plus que précaires. Toutefois, la jeune fille a une personnalité enjouée, qui n'est pas sans déplaire (2).
Le mariage par procuration a lieu le 19 avril 1770. La cérémonie avec le dauphin, elle, n'aura lieu que le 16 mai de la même année, dans la chapelle de Versailles. Le choc n'aurait pas pu être plus grand entre la cour de Vienne et celle de Versailles : l'étiquette y est beaucoup plus rigide. De plus, la pauvre Marie-Antoinette, passée du pieux catholicisme conservateur au catholicisme relâché de la cour de France, est en état de choc. Son « grand-père », le roi Louis XV (3), vivait ouvertement avec sa maîtresse en titre, Madame du Barry, ce qui la choquait profondément. La jeune dauphine n'adressa la parole qu'une seule fois à cette femme en public, après de multiples supplications de l'ambassadeur autrichien à Versailles et de sa propre mère, se contentant d'un simple : « Il y a bien du monde aujourd'hui à Versailles. » (4) Ces simples mots, bien que représentant une immense humiliation pour la jeune fille, évitèrent sans doute un malentendu entre les deux États, et l'empêchèrent probablement de retourner d'où elle venait (un retour qui aurait pu, cependant, lui sauver la vie).
Mais la position de Marie-Antoinette, comme celle de toute épouse de roi à l'époque, n'était pas assurée tant qu'elle ne mettait pas au monde un héritier pour la Couronne. Or, malgré les interventions répétées de l'impératrice Marie-Thérèse et la visite de son frère Joseph, l'héritier tant attendu tarda à venir. La raison était de source médiale : le roi souffrait de phimosis, une condition rendant douloureuse la pénétration (et coupant donc à court la possibilité de la création d'un héritier). (5)
Cette consommation tardive du mariage royal et les difficultés sexuelles de son mari sont probablement les causes de plusieurs problèmes pour Marie-Antoinette. Ainsi, le fait que Louis XVI ne prit jamais de maîtresse connue (du moins officiellement) a causé de grands problèmes à sa femme : la division traditionnelle entre la reine et la maîtresse en titre n'était plus observée. Dans l'ancien régime, la reine se contentait de prier et de faire des enfants, alors que la maîtresse en titre se voyait couverte de cadeaux, divertie à la cour à grands coups de fêtes plus coûteuses les unes que les autres et même, dans certains cas, appelée à gérer les affaires politiques (le souvenir de Madame de Pompadour exerçant toute sa puissance sur Louis XV est encore bien proche à ce moment). Donc, lorsque les finances vont mal, lorsque le pays est en guerre, ou lorsque la cour est en débauche, le peuple sait qui pointer du doigt : c'est la faute de la maîtresse en titre. Mais, durant tout le règne de Louis XVI, aucune femme n'est présentée ainsi. Qui faut-il donc pointer du doigt? Et bien, la reine a une somptueuse garde-robe. De plus, la reine est une adepte des soirées de jeux. Elle s'endette donc chez les modistes et les tables de jeu. Le peuple ne doit donc pas pousser bien loin : si les finances vont mal, c'est sûrement à cause de la reine. Et si jamais une guerre civile se déclare entre les aristocrates (n'oubliez pas que, pour emmerder l'Angleterre, Louis XVI envoie des troupes dans la colonie anglaise, oubliant qu'encourager une colonie à se rebeller contre la métropole légitime autorise son propre peuple à se rebeller contre son souverain), c'est aussi la faute de la reine! (6)
Marie-Antoinette, non contente de s'aliéner du peuple par ses dépenses, s'éloigne également des nobles. Louis XIV, soucieux d'empêcher une autre révolte des nobles comme celles de la Fronde ayant eu lieu durant la régence de sa mère, les avait « emprisonnés » à Versailles : ainsi, la vie d'un noble ne se limitait plus à prendre le pouvoir par des guerres, mais plutôt à le prendre par des flatteries et en ayant un accès privilégié à différentes personnes. Ces nobles logeaient dans le palais ou dans la ville, qui regorgeait alors de logements miteux à la portée de toutes les bourses (7). Louis XIV avait su utiliser la situation à son avantage, en se présentant régulièrement devant ses courtisans pour leur donner des privilèges et en créant la stricte étiquette reconnue à la cour française afin d'éviter que l'on ne se pile davantage sur les pieds. Mais c'est là son erreur : aussi pointilleux, perfectionniste et contrôlant qu'il était, même le Roi Soleil était incapable de rester constamment dans son étiquette. Aussi, sur le terrain de Versailles, créa-t-il le Grand Trianon, où l'étiquette, plus lâche, lui permet de passer du temps avec sa famille (légitime ou non). Son arrière-petit-fils, Louis XV, créera le Petit Trianon, avec l'aide de sa maîtresse en titre, Madame de Pompadour, mais la mort de celle-ci permettra à Madame du Barry d'en prendre possession. À la mort de Louis XV, et avec la disgrâce de la du Barry qui s'en suivit, Louis XVI offrit le Petit Trianon à son épouse.
Marie-Antoinette apprécie tout de suite son nouveau « cadeau ». Elle s'y réfugie de plus en plus, à l'abri de l'étiquette, en compagnie de ses amies : la princesse de Lamballe, la duchesse de Polignac, son beau-frère, le comte d'Artois, et, bien sûr, le bel Axel de Fersen, un comte suédois. Sa relation avec le comte de Fersen est ambigüe (rien pour arranger la réputation de la reine, qu'on accuse tour à tour de promiscuité, d'homosexualité et d'inceste). Alors que Zweig assure qu'ils sont amants du temps de Trianon, plusieurs prétendent qu'ils ne le sont qu'une fois la Révolution passée.
Ce qui est sûr, c'est que Fersen joue un rôle clef dans la fuite à Varennes : il en est à la fois l'instigateur et l'organisateur. Une fois la Révolution commencée, après la marche des femmes sur Versailles pour obtenir du pain, on transporte la famille royale (Louis XVI, Marie-Antoinette, leur fille Marie-Thérèse et le dauphin, ainsi que Madame Élizabeth, sœur de Louis XVI) au palais des Tuileries. Les railleries des gardes révolutionnaires jaillissent de tout côté. Les citoyens entrent dans le palais pour se plaindre directement au roi. En autres mots, leur sécurité est menacée. On organise donc leur fuite et on leur fournit de faux passeports : ils quittent le palais dans la nuit. Madame Élizabeth, déguisée en duchesse russe, est accompagnée de Louis XVI, déguisé en valet, de Marie-Antoinette, déguisée en gouvernante, et des enfants, tous deux vêtus en fille pour l'occasion. Malheureusement, ils se perdent en chemin, et sont forcés de demander la route : pour remercier l'homme, Louis XVI lui donne un louis d'or (un peu comme si on vous donnait un billet de mille dollars). Le tout est suspect : dans le prochain village, le contrôle des passeports est plus serré. Ils sont pris, et envoyés au Temple.
On emmène Louis XVI dans des appartements séparés de ceux de sa famille, et on l'exécute le 21 janvier 1793 sous des chefs de trahison, de conspiration et d'anticonstitutionnalisme (il n'a pas respecté son rôle constitutionnel de roi des Français). Le même jour, on force Marie-Antoinette à se séparer de son fils, le dauphin, qu'on envoie chez le citoyen Simon. Puis, vient le procès de Marie-Antoinette.
Mais sur quoi juger cette reine volage, qui n'a visiblement eu aucune influence sur la politique de son mari? L'achat d'une robe a-t-il entraîné de si grandes pertes pour les finances françaises? Si la mode est un crime, autant exécuté toutes les femmes de Paris. Est-elle une traîtresse? Communique-t-elle avec son frère, l'empereur allemand? Et puis, l'exécution du roi a soulevé les fureurs des monarchistes en Vendée. Les grandes monarchies d'Europe, qui avaient toutes un lien avec la famille royale française (Louis XIV a obtenu l'Espagne à un de ses fils, Marie-Antoinette est la soeur de l'empereur d'Autriche et la filleule du roi du Portugal, entre autres), commencent à menacer de guerres.
Le citoyen Simon permet de résoudre les dilemmes juridiques : il a surpris le dauphin en pleine séance de plaisirs solitaires, péché mortel. Menaçant, le citoyen Simon lui demande qui lui a montré de telles habitudes. Le dauphin répond presque instantanément, avec toute la méchanceté des enfants : sa mère et sa tante, apparemment, l'avaient déjà surpris, et sa mère, restée tout de même pieuse malgré les excès de Trianon, l'avait puni pour secourir son âme, qui risquait la damnation éternelle. Mécontent d'avoir été puni, le jeune dauphin simplifia sa réponse : c'était sa mère qui le lui avait montré. Le citoyen Simon ne chercha pas plus loin : la reine avait déjà une réputation de débauchée, d'infidèle et d'homosexuelle, et, après tout, l'inceste était punissable sous la Révolution.
On porte donc Marie-Antoinette devant le tribunal révolutionnaire le 3 octobre 1793, sous les chefs d'accusation d'inceste. On fait témoigner le dauphin. Dans une tirade restée célèbre, Marie-Antoinette en appel à toutes les mères pour juger de l'ignominie d'une telle accusation. Puis, pour faire un procès politique (car Marie-Antoinette reste un symbole monarchique et il faut s'en débarrasser, mais avant, il faut la diaboliser aux yeux du peuple), on monte rapidement un dossier et on demande au jury de la juger sur des accusations de traîtrise, de conspiration et autre. Le jury la déclare coupable.
Son dernier portrait est attribué à David, le futur peintre de Napoléon Ier, et révolutionnaire farouche. La belle adolescente n'a plus sa place dans les traits de cette femme que la vie n'a pas épargnée : ses cheveux, autrefois coiffés en poufs extravagants, sont coupés court pour que l'on puisse placer la guillotine sur sa nuque. Fini les robes à panier : le vêtement semble rude. Ses traits n'ont plus la finesse d'autrefois.
Marie-Antoinette sera décapitée, place de la Révolution, le 16 octobre 1793.
La jeune fille quitte Vienne à quatorze ans pour Paris afin d'épouser le Dauphin Louis-Auguste, futur Louis XVI. Celui-ci a perdu ses parents à un très jeune âge, et est ridiculisé depuis longtemps à cause de ses yeux globuleux (plusieurs pensent aujourd'hui qu'il ne souffrait pas de myopie, comme plusieurs l’ont cru, mais que ses yeux reflétaient seulement la tristesse causée par la douloureuse perte de ses parents, accentuée par la solitude dans laquelle le plongeait l'étiquette de Versailles (1)).
Le mariage du dauphin français et de l'archiduchesse autrichienne est, bien sûr, davantage un évènement politique que romantique. Les deux pays viennent de sortir de la guerre de Sept Ans et l'alliance des deux jeunes enfants est une alliance politique : les Habsbourg d'Autriche et les Bourbon de France font partie des plus grandes puissances de l'époque. L'Autriche, entre autres, espère pouvoir influencer la jeune fille dans les affaires d'État. C'est sans compter sur la personnalité évasive de Marie-Antoinette : lorsque l'on commence à parler de fiançailles avec la France, la jeune fille ne parle pas français, et ses rudiments de lecture et d'écriture en allemand sont plus que précaires. Toutefois, la jeune fille a une personnalité enjouée, qui n'est pas sans déplaire (2).
Le mariage par procuration a lieu le 19 avril 1770. La cérémonie avec le dauphin, elle, n'aura lieu que le 16 mai de la même année, dans la chapelle de Versailles. Le choc n'aurait pas pu être plus grand entre la cour de Vienne et celle de Versailles : l'étiquette y est beaucoup plus rigide. De plus, la pauvre Marie-Antoinette, passée du pieux catholicisme conservateur au catholicisme relâché de la cour de France, est en état de choc. Son « grand-père », le roi Louis XV (3), vivait ouvertement avec sa maîtresse en titre, Madame du Barry, ce qui la choquait profondément. La jeune dauphine n'adressa la parole qu'une seule fois à cette femme en public, après de multiples supplications de l'ambassadeur autrichien à Versailles et de sa propre mère, se contentant d'un simple : « Il y a bien du monde aujourd'hui à Versailles. » (4) Ces simples mots, bien que représentant une immense humiliation pour la jeune fille, évitèrent sans doute un malentendu entre les deux États, et l'empêchèrent probablement de retourner d'où elle venait (un retour qui aurait pu, cependant, lui sauver la vie).
Mais la position de Marie-Antoinette, comme celle de toute épouse de roi à l'époque, n'était pas assurée tant qu'elle ne mettait pas au monde un héritier pour la Couronne. Or, malgré les interventions répétées de l'impératrice Marie-Thérèse et la visite de son frère Joseph, l'héritier tant attendu tarda à venir. La raison était de source médiale : le roi souffrait de phimosis, une condition rendant douloureuse la pénétration (et coupant donc à court la possibilité de la création d'un héritier). (5)
Cette consommation tardive du mariage royal et les difficultés sexuelles de son mari sont probablement les causes de plusieurs problèmes pour Marie-Antoinette. Ainsi, le fait que Louis XVI ne prit jamais de maîtresse connue (du moins officiellement) a causé de grands problèmes à sa femme : la division traditionnelle entre la reine et la maîtresse en titre n'était plus observée. Dans l'ancien régime, la reine se contentait de prier et de faire des enfants, alors que la maîtresse en titre se voyait couverte de cadeaux, divertie à la cour à grands coups de fêtes plus coûteuses les unes que les autres et même, dans certains cas, appelée à gérer les affaires politiques (le souvenir de Madame de Pompadour exerçant toute sa puissance sur Louis XV est encore bien proche à ce moment). Donc, lorsque les finances vont mal, lorsque le pays est en guerre, ou lorsque la cour est en débauche, le peuple sait qui pointer du doigt : c'est la faute de la maîtresse en titre. Mais, durant tout le règne de Louis XVI, aucune femme n'est présentée ainsi. Qui faut-il donc pointer du doigt? Et bien, la reine a une somptueuse garde-robe. De plus, la reine est une adepte des soirées de jeux. Elle s'endette donc chez les modistes et les tables de jeu. Le peuple ne doit donc pas pousser bien loin : si les finances vont mal, c'est sûrement à cause de la reine. Et si jamais une guerre civile se déclare entre les aristocrates (n'oubliez pas que, pour emmerder l'Angleterre, Louis XVI envoie des troupes dans la colonie anglaise, oubliant qu'encourager une colonie à se rebeller contre la métropole légitime autorise son propre peuple à se rebeller contre son souverain), c'est aussi la faute de la reine! (6)
Marie-Antoinette, non contente de s'aliéner du peuple par ses dépenses, s'éloigne également des nobles. Louis XIV, soucieux d'empêcher une autre révolte des nobles comme celles de la Fronde ayant eu lieu durant la régence de sa mère, les avait « emprisonnés » à Versailles : ainsi, la vie d'un noble ne se limitait plus à prendre le pouvoir par des guerres, mais plutôt à le prendre par des flatteries et en ayant un accès privilégié à différentes personnes. Ces nobles logeaient dans le palais ou dans la ville, qui regorgeait alors de logements miteux à la portée de toutes les bourses (7). Louis XIV avait su utiliser la situation à son avantage, en se présentant régulièrement devant ses courtisans pour leur donner des privilèges et en créant la stricte étiquette reconnue à la cour française afin d'éviter que l'on ne se pile davantage sur les pieds. Mais c'est là son erreur : aussi pointilleux, perfectionniste et contrôlant qu'il était, même le Roi Soleil était incapable de rester constamment dans son étiquette. Aussi, sur le terrain de Versailles, créa-t-il le Grand Trianon, où l'étiquette, plus lâche, lui permet de passer du temps avec sa famille (légitime ou non). Son arrière-petit-fils, Louis XV, créera le Petit Trianon, avec l'aide de sa maîtresse en titre, Madame de Pompadour, mais la mort de celle-ci permettra à Madame du Barry d'en prendre possession. À la mort de Louis XV, et avec la disgrâce de la du Barry qui s'en suivit, Louis XVI offrit le Petit Trianon à son épouse.
Marie-Antoinette apprécie tout de suite son nouveau « cadeau ». Elle s'y réfugie de plus en plus, à l'abri de l'étiquette, en compagnie de ses amies : la princesse de Lamballe, la duchesse de Polignac, son beau-frère, le comte d'Artois, et, bien sûr, le bel Axel de Fersen, un comte suédois. Sa relation avec le comte de Fersen est ambigüe (rien pour arranger la réputation de la reine, qu'on accuse tour à tour de promiscuité, d'homosexualité et d'inceste). Alors que Zweig assure qu'ils sont amants du temps de Trianon, plusieurs prétendent qu'ils ne le sont qu'une fois la Révolution passée.
Ce qui est sûr, c'est que Fersen joue un rôle clef dans la fuite à Varennes : il en est à la fois l'instigateur et l'organisateur. Une fois la Révolution commencée, après la marche des femmes sur Versailles pour obtenir du pain, on transporte la famille royale (Louis XVI, Marie-Antoinette, leur fille Marie-Thérèse et le dauphin, ainsi que Madame Élizabeth, sœur de Louis XVI) au palais des Tuileries. Les railleries des gardes révolutionnaires jaillissent de tout côté. Les citoyens entrent dans le palais pour se plaindre directement au roi. En autres mots, leur sécurité est menacée. On organise donc leur fuite et on leur fournit de faux passeports : ils quittent le palais dans la nuit. Madame Élizabeth, déguisée en duchesse russe, est accompagnée de Louis XVI, déguisé en valet, de Marie-Antoinette, déguisée en gouvernante, et des enfants, tous deux vêtus en fille pour l'occasion. Malheureusement, ils se perdent en chemin, et sont forcés de demander la route : pour remercier l'homme, Louis XVI lui donne un louis d'or (un peu comme si on vous donnait un billet de mille dollars). Le tout est suspect : dans le prochain village, le contrôle des passeports est plus serré. Ils sont pris, et envoyés au Temple.
On emmène Louis XVI dans des appartements séparés de ceux de sa famille, et on l'exécute le 21 janvier 1793 sous des chefs de trahison, de conspiration et d'anticonstitutionnalisme (il n'a pas respecté son rôle constitutionnel de roi des Français). Le même jour, on force Marie-Antoinette à se séparer de son fils, le dauphin, qu'on envoie chez le citoyen Simon. Puis, vient le procès de Marie-Antoinette.
Mais sur quoi juger cette reine volage, qui n'a visiblement eu aucune influence sur la politique de son mari? L'achat d'une robe a-t-il entraîné de si grandes pertes pour les finances françaises? Si la mode est un crime, autant exécuté toutes les femmes de Paris. Est-elle une traîtresse? Communique-t-elle avec son frère, l'empereur allemand? Et puis, l'exécution du roi a soulevé les fureurs des monarchistes en Vendée. Les grandes monarchies d'Europe, qui avaient toutes un lien avec la famille royale française (Louis XIV a obtenu l'Espagne à un de ses fils, Marie-Antoinette est la soeur de l'empereur d'Autriche et la filleule du roi du Portugal, entre autres), commencent à menacer de guerres.
Le citoyen Simon permet de résoudre les dilemmes juridiques : il a surpris le dauphin en pleine séance de plaisirs solitaires, péché mortel. Menaçant, le citoyen Simon lui demande qui lui a montré de telles habitudes. Le dauphin répond presque instantanément, avec toute la méchanceté des enfants : sa mère et sa tante, apparemment, l'avaient déjà surpris, et sa mère, restée tout de même pieuse malgré les excès de Trianon, l'avait puni pour secourir son âme, qui risquait la damnation éternelle. Mécontent d'avoir été puni, le jeune dauphin simplifia sa réponse : c'était sa mère qui le lui avait montré. Le citoyen Simon ne chercha pas plus loin : la reine avait déjà une réputation de débauchée, d'infidèle et d'homosexuelle, et, après tout, l'inceste était punissable sous la Révolution.
On porte donc Marie-Antoinette devant le tribunal révolutionnaire le 3 octobre 1793, sous les chefs d'accusation d'inceste. On fait témoigner le dauphin. Dans une tirade restée célèbre, Marie-Antoinette en appel à toutes les mères pour juger de l'ignominie d'une telle accusation. Puis, pour faire un procès politique (car Marie-Antoinette reste un symbole monarchique et il faut s'en débarrasser, mais avant, il faut la diaboliser aux yeux du peuple), on monte rapidement un dossier et on demande au jury de la juger sur des accusations de traîtrise, de conspiration et autre. Le jury la déclare coupable.
Son dernier portrait est attribué à David, le futur peintre de Napoléon Ier, et révolutionnaire farouche. La belle adolescente n'a plus sa place dans les traits de cette femme que la vie n'a pas épargnée : ses cheveux, autrefois coiffés en poufs extravagants, sont coupés court pour que l'on puisse placer la guillotine sur sa nuque. Fini les robes à panier : le vêtement semble rude. Ses traits n'ont plus la finesse d'autrefois.
Marie-Antoinette sera décapitée, place de la Révolution, le 16 octobre 1793.
Si cet article ne vous a pas déprimé, et qu'il vous a même plutôt plu, voici quelques suggestions pour continuer à en apprendre davantage sur cette reine de France :
Sa vraie vie. La bibliographie de Stefan Zweig (vous trouverez la notice bibliographique plus loin) fait consensus dans la matière depuis les années 30. Auteur de nouvelles littéraires, sa plume est agréable.
Des films. Il y a, bien sûr, le film de Sofia Coppola, fait en 2006 (Marie-Antoinette). Les costumes et les décors sont magnifiques, mais, si vous vous intéressez à l'Histoire, privilégiez le film de Van Dycke, réalisé en 1938, avec Norma Shearer et Tyronne Power. Toutefois, pour un télé-film québécois de 2006, vous aurez une des meilleures qualités possible : la lecture de la dernière lettre de Marie-Antoinette que fait Karine Vanasse est absolument émouvante. Voici un lien vers la playlist créée spécialement pour l'occasion : http://www.dailymotion.com/playlist/x1gd4w_ValeriePotvin_marie-antoinette#videoId=z7mqd
Sa vraie vie. La bibliographie de Stefan Zweig (vous trouverez la notice bibliographique plus loin) fait consensus dans la matière depuis les années 30. Auteur de nouvelles littéraires, sa plume est agréable.
Des films. Il y a, bien sûr, le film de Sofia Coppola, fait en 2006 (Marie-Antoinette). Les costumes et les décors sont magnifiques, mais, si vous vous intéressez à l'Histoire, privilégiez le film de Van Dycke, réalisé en 1938, avec Norma Shearer et Tyronne Power. Toutefois, pour un télé-film québécois de 2006, vous aurez une des meilleures qualités possible : la lecture de la dernière lettre de Marie-Antoinette que fait Karine Vanasse est absolument émouvante. Voici un lien vers la playlist créée spécialement pour l'occasion : http://www.dailymotion.com/playlist/x1gd4w_ValeriePotvin_marie-antoinette#videoId=z7mqd
En parallèle. Peu importe ce que l'on vous dira, Louis XVII n'a pas survécu au Temple. Il N'Y A PAS de conspiration d'État, sauf dans les excellents romans que vous trouverez sur le sujet. Et je peux vous assurer que Marie-Antoinette et Louis XVI n'ont pas survécu à leur décapitation. Le seul membre de la famille royale à y avoir survécu est leur fille, Marie-Thérèse. D'ailleurs, une excellente biographie de la jeune fille a été écrite récemment (Nagel, Susan. Marie-Thérèse : The Fate of Marie Antoinette's Daughter. Londres : Bloomsburry, 2008). Avis aux intéressés qui parlent anglais.
En ligne. Une étagère a été créée sur ma bibliothèque Google. Libre à vous d'y naviguer. Voici le lien : http://www.google.com/books?uid=5193644990311896005&as_coll=1002&hl=fr&source=gbs_lp_bookshelf_list
Si vous avez des histoires intéressantes concernant Marie-Antoinette, des suggestions littéraires ou cinématographiques, ou tout simplement des commentaires, ne vous gênez pas. Nous ne recevons pas de salaire pour ce blogue, et vos commentaires sont notre seule rémunération.
Cet article a été créé par : Valérie-Claude.
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(1) Bordonove, Georges. « Louis XVI : Le roi martyr. » Les Rois qui ont fait la France. Paris : Pygmalion, 1983.
(2) Zweig, Stefan. Marie-Antoinette. Trad. de l'allemand par Alzir Hella. Paris : Grasset, 1933.
(3) Le concept de la « belle-famille » (family-in-law) n'existait pas à l'époque. Aussi, Marie-Antoinette ne considérait-elle probablement pas Louis XV comme le grand-père de son époux, mais comme son propre grand-père. Pour cette raison, plusieurs historiens considèrent que l'idée d'une relation illicite entre Louis XIV et Henriette-Anne d'Angleterre, l'épouse de son frère, comme illogique, car le Roi-Soleil était « entraîné » à considérer la femme qui porterait ce titre comme sa propre soeur, et qu'une relation entre eux serait revenue à un inceste de premier degré, condamnant son âme à la damnation éternelle. Toutefois, le fait que cette même Henriette-Anne soit sa cousine (Louis XIII et Henriette-Marie de France, la mère de Henriette-Anne étant frères et soeurs) n'aurait pas été gênant, puisque Louis XIV a épousé Marie-Thérèse d'Autriche, qui était doublement sa cousine (par Anne d'Autriche et Philippe IV d'Espagne, frères et soeurs, et par Louis XIII et Élizabeth de France, frères et soeurs également). Source : Fraser, Antonia. Love and Louis XIV : The Women in the Life of the Sun King. London : Phoenix, 2006.
(4) Zweig, p. 67.
(5) Androutsos, George. « Le phimosis de Louis XVI (1754-1793) aurait-il été à l'origine de ses difficultés sexuelles et de sa fécondité retardée? » Histoire de l'urologie. 2002. Vol. 12. p. 132-137. http://www.urofrance.org/fileadmin/documents/data/PU/2002/PU-2002-00120132/TEXF-PU-2002-00120132.PDF (accédé le 7 novembre 2010)
(6) Voir l'épisode de Secret d'Histoire consacré à Madame de Pompadour, le 25 avril 2007.
(7) Pour avoir un bel exemple de ce qu'un courtisan ne devait PAS faire, le roman Le Montespan (Jean Teulé, Paris : Julliard, 2008) présente le portrait du mari d'une des plus célèbres maîtresses en titre de Louis XIV. Pour en savoir plus sur le sort des courtisans à Versailles, ce site très complet est un bon début : http://versailles.blogspot.com/2008/10/les-courtisans-et-leurs-logements-au.html
Marie-Antoinette n'a pas eu une fin heureuse... mais quelle postérité! De Versailles au Québec, la reine déchue continue de faire des émules.
RépondreSupprimerLe grand Palais a consacré il y a 2 ans une très belle exposition autour de cette figure historique extraordinaire ( je parle en connaissance de cause bien entendu!^^). Tableaux, objets personnels, caricatures...la vie de Marie- Antoinette vue par le 18e siècle. Voici un lien sur l'exposition. On y trouve notamment des commentaires, images et conférences audio: http://www.rmn.fr/marie-antoinette
Signé: une parisienne anonyme
Bonjour à tous!
RépondreSupprimerUn simple mot pour vous faire mon mea culpa. Comme certains d'entre vous l'auront remarqués, j'ai fait une petite erreur (maintenant corrigé) dans le quatrième paragraphe en affirmant que Marie-Antoinette était LUTHÉRIENNE, alors qu'elle était en fait CATHOLIQUE. La raison de tout cela est fort simple: mes lectures précédentes laissaient envisager que TOUS le Saint-Empire romain germanique était luthérien depuis la fin de la guerre de Trente ans, puisque la paix d'Augsbourg de 1555 proclamait que le prince des différents états de l'Empire imposait la religion de son choix à son peuple. Toutefois, TOUS les empereurs de l'Empire, qui descendaient généralement tous de la branche autrichienne des Habsbourg (puis des Habsbourg-Lorraine suite au mariage de Marie-Thérèse et de François Ier, les parents de Marie-Antoinette) sont généralement restés catholique.
Encore une fois, je vous pris d'accepter mes plus plates excuses.
En consultant le programme de la saison 2011-2012 de l'opéra de Versailles je suis tombée sur ce ballet: http://www.chateauversailles-spectacles.fr/marie-antoinette-112.html
RépondreSupprimerEn voici une courte video:http://www.youtube.com/watch?v=oLhW3LtbJWY
signé:Une parisienne anonyme, toujours à l'affût des nouvelles versaillaises...
J'ai aperçu ce jeu DS dans les rayonnages des galeries Lafayette hier. Rien de bouleversant, mais surtout une démonstration du pouvoir lucratif de Marie-Antoinette. Les tests que j'ai lus ont en tout cas l'air de l'assassiner une seconde fois.
RépondreSupprimerhttp://www.gameblog.fr/test_838_marie-antoinette-et-la-guerre-d-independance-americaine-epis
signé: Une parisienne anonyme
Pour la bouquinade, voici une liste d'ouvrages interessants sur Marie-Antoinette et Louis XVI que j'ai trouvée sur amazon: http://www.amazon.fr/Louis-XVI-amp-Marie-Antoinette/lm/R1ML0ZASDRBQ0H/ref=cm_lmt_dtpa_f_1_rdssss0
RépondreSupprimerA côté des nombreuses biographies, on y trouve notamment les mémoires de Madame Campan ( que tu connais peut-être déjà) dans l'excellente collection "Le Temps retrouvé" de Mercure de France ou encore certains écrits historiques de la main du couple royal.
Bonne lecture!
signé: Une parisienne anonyme