Il y a de cela quelques semaines déjà, ma grande amie, La Parisienne Anonyme que vous avez pu lire si vous avez jeté un coup d'oeil à mes commentaires, m'a mise au défi de consacrer un article à Chateaubriand, en disant, je la cite:
Voici un grand homme exilé sur votre continent.
François René de Chateaubriand
Monarchiste et écrivain
Un article pour demain?
Comment résister à un tel défi? Toutefois, j'avais deux problèmes: le premier était que je ne savais absolument RIEN de Chateaubriand, le second que je n'avais aucune idée de comment introduire ce personnage dans l'article. Toutefois, mercredi, je me suis trouvée à lire Les Misérables de Victor Hugo dans l'autobus, et, comme d'habitude, le grand maître du romantisme français m'a sauvé la face. Dans le Livre Troisième: En l'année 1817, le premier chapitre décrit tout ce qui est arrivé en 1817, dont ceci:
Chateaubriand présente donc quelques défis pour l'historienne que je veux être! Mais qui était-il donc?"La Minerve appelait Chateaubriand Chateaubriant. Ce t faisait beaucoup rire les bourgeois au dépend du grand écrivain." (1)
François-René, vicomte de Chateaubriand (1768-1848) est né à Saint-Malo. Si cela sonne des cloches aux oreilles des Québécois, c'est tout à fait normal: c'est de là que vient notre Jacques Cartier national, et on y trouve encore des rues faites avec "l'or" qu'il a ramené de son dernier voyage au Canada, et qui s'est avéré être... de la pyrite, la crainte des sous-sols de maisons.
Chateaubriand naît dans une vieille famille de l'aristocratie en 1768. La famille était depuis longtemps ruinée, mais le père de Chateaubriand lui avait redonné une certaine fortune grâce au commerce avec les colonies. Toutefois, la réussite commerciale de son paternel prend un certain temps, et Chateaubriand vit chez un oncle et une tante jusqu'en 1771, année où son père peut enfin racheter le château de Combourg, en Bretagne.
Après des études en province (notamment à Dol et à Rennes), il devient sous lieutenant du régiment de Navarre à 17 ans, puis capitaine à 19 ans. En 1788, on le trouve à Paris. Il devient proche de quelques écrivains bien connus de l'époque, et publie ses premiers poèmes dans L'Almanach des Muses. En 1792, il épouse Céleste de La Vigne-Buisson, fille d'un armateur de St-Malo. Ils n'auront pas d'enfant.
En 1791, alors que la révolution bat son plein, il va en Amérique, aux États-Unis plus particulièrement. Ses écrits sont moqués par les Américains, car dans son recueil de poèmes intitulé Natchez, il décrit les rives du Mississippi comme étant marquées par les bananes et les singes. Pourtant, à tous ceux qui sont férus de littérature ou de géographie, il suffit de lire un livre de Mark Twain pour comprendre que tel n'est pas le cas.
Il revient en France en 1792 et s'allie à l'Armée des émigrés pour vaincre la France. Mais bon... Pourquoi veut-il vaincre son propre pays? Chateaubriand serait-il un petit wannabe Napoléon?
En fait, Chateaubriand ne pourrait pas être plus à l'opposé du futur empereur. L'Armée des émigrés est en fait composés de Français émigrés ayant fui la Révolution, soit parce qu'ils font partie de la noblesse, soit parce qu'ils sont de conviction royaliste. Ils sont d'abord regroupés à Turin en Italie, puis en Allemagne et en Autriche, et finalement en Angleterre et en Russie. En 1792, lorsque Chateaubriand revient en Europe (il s'enrôle dans l'armée à Coblence, en Allemagne), leur but principal est de vaincre les armées révolutionnaires, libérer la famille royale et rétablir la monarchie absolue.
Cette année-là, alors que Chateaubriand se bat à l'Est, sa femme est emprisonnée. Il sera lui-même blessé à Thionville, il met fin à sa carrière militaire et se retire à Jersey (Angleterre). Quelques années plus tard, en 1793, on le trouve à Londres. L'année suivante, son frère et sa belle-soeur sont décapités. En 1797, il publie son premier ouvrage, intitulé Essai sur les Révolutions anciennes et modernes dans leur rapport avec la Révolution française, qui passe inaperçu de la critique.
Il retourne ensuite en Amérique en 1800. Puis, il dirige le journal Mercure de France, dans lequel il publie, en 1801, Atala, qui suscite l'admiration et dans lequel il fait la promotion du christianisme. À la même époque, il écrit René, et il publie en 1802 son Génie du christianisme, duquel les deux écrits précédents sont des séquelles. Le but de cette "trilogie" chrétienne est de montrer que le Christianisme peut être aussi poétique et beau que les religions païennes qui fascinent à l'époque (on n'a qu'à penser à l'attrait des "chinoiseries" du rococo).
En 1803, Napoléon Bonaparte, alors premier consul, finit par le remarquer. Il lui demande alors d'accompagner à Rome son ambassadeur, le cardinal Joseph Fesch. Acceptant avec joie ce poste de secrétaire, il retourne à son château pour une période de vingt-quatre heures français, tout juste assez longtemps pour demander à son épouse de l'accompagner. Toutefois, il fait également l'erreur de lui dire qu'il a une maîtresse, la comtesse de Beaumont. Mme Chateaubriand refuse le ménage à trois, et son époux part donc seul, à Rome.
En 1804, il est nommé ambassadeur à la République du Valais (actuel canton du Valais, en Suisse). C'est là qu'il apprend l'exécution du duc d'Enghien, petit-fils du prince de Condé. Chateaubriand, franchement royaliste, donnera sa démission le jour même et s'engagera dès lors dans l'opposition à l'Empire. Lors du couronnement de Napoléon Ier, il se réfugie chez un ami, où il écrit plusieurs chapitres des Martyrs et des Mémoires d'outre-tombe.
En 1806 naît le projet d'écrire une épopée chrétienne. Dans le cadre de ses recherches, il fait un voyage en Grèce, en Asie Mineure, en Palestine et en Égypte. C'est durant ce voyage qu'il finit d'écrire Les Martyrs, qui ne sera finalement publié qu'en 1809. De ses notes de voyages, il publiera également Itinéraire de Paris à Jérusalem, publié en 1811. Cette année-là, il sera également élu membre de l'Académie française. Toutefois, dans son discours de réception, il parle contre certains actes de la Révolution, et on lui interdit donc de prendre place dans son siège. Il ne l'occupera que sous la Restauration.
Lorsque Napoléon quitte son poste d'empereur pour la première fois en 1814, il écrit un pamphlet contre lui, intitulé De Buonarparte et des Bourbons. Louis XVIII, toutefois, considère que le pamphlet est en faveur de Napoléon plutôt que de la monarchie des Bourbons, et prétend même que le pamphlet aide autant l'empereur déchu que son armée.
De plus, Chateaubriand a la "brillante" idée de s'allier aux Ultraroyalistes. Ce groupe, particulièrement important entre 1815 et 1830, était, comme les artisans de la Restauration, contre les idées de république, de libéralisme et autres héritiers de la Révolution. Toutefois, ils étaient également, dans une certaine mesure, contre Louis XVIII, car le nouveau souverain avait dû faire des compromis pour restaurer l'Ancien Régime, ce que condamnaient les Ultraroyalistes, qui voulaient un retour pur et dur à la monarchie d'antan. Ils se considéraient eux-mêmes comme plus royalistes que le roi lui-même: et, vous me concéderez probablement le point, être "plus" que le roi, ce n'est jamais bon. Alors, bien que nommé Ministre d'État et pair de France en 1815, il est mis en disgrâce après avoir attaqué un édit du roi dans un pamphlet.
Il se retire de la vie politique en 1830. Il mourra à Paris en 1844, désabusé par la monarchie.
Toutefois, il laisse à la postérité plusieurs oeuvres variées. Son héritage majeur, bien sûr, est son apport au mouvement romantique, qui marqua le début du XIXe siècle.
Le romantisme est un mouvement qui frappa toutes les sphères artistiques du XIXe siècle. On tend généralement à reconnaître Jean-Jacques Rousseau, le philosophe qui fait encore souffrir plusieurs étudiants aujourd'hui, comme le premier romantique, bien que le mouvement ne commence à prendre de l'ampleur en face qu'après la chute de l'Empire et du mouvement néoclassique représenté par Jacques-Louis David.
Le romantisme est caractérisé par sa poésie et ses romans, mais surtout par le tout nouveau drame romantique, qui marque un schisme marquant avec le théâtre dit classique. Ceux-ci sont marqués notamment par l'exaltation des sentiments et du passé glorieux de la Nation (à lire ici, de la Nation pré-Révolution). L'importance du "je" et du "moi" se fait sentir. Le rêve, le mystère et le fantastique sont également des thèmes fréquents. En fait, en cherchant à tous des points communs, le romantisme est à la base de plusieurs nationalismes en Europe.
Chateaubriand, par sa vie et son oeuvre, a inspiré le courant du romantisme français, mais à surtout servi d'inspiration au mouvement anglais.
Vous êtes un royaliste convaincu? Vous pensez que le romantisme pourrait vous intéresser? Vous adorez Chateaubriand? Et bien, pourquoi ne pas commencer vos recherches par ces quelques pistes?
Des livres. Il serait illogique de ne pas vous conseiller des livres écrits par Chateaubriand dans un article sur Chateaubriand. Bien que je n'en aie lu aucun, je pourrais vous suggérer les Mémoires d'outre-tombe, que je connaissais déjà de nom avant cet article, ou encore Atala et René, pour leurs aventures au pays des bananes et des singes, j'ai nommé le Mississippi.
En cuisine. Oui, vous avez bien lu, j'ai écrit "en cuisine" pour vous faire un périphérique de Chateaubriand. Donc voilà. Le chef privé de Chateaubriand a créé une façon de faire du boeuf. Je ne l'ai jamais lu, mais j'imagine que ça peut être intéressant. Voici l'article... hum hum... Wikipédia (si un de mes profs est en train de lire ce message, fermez vos yeux, s'il vous plait!) sur le sujet: http://fr.wikipedia.org/wiki/Chateaubriand_(cuisine)
En parallèle. Si vous êtes intéressés par le romantisme, je me permets de vous suggérer les romans de Madame de Staël, figure de proue du romantisme français, et, du côté anglais, les poèmes de Lord Byron, Samuel Taylor Coleridge, John Keats, William Blake, William Wordsworth et Percy Bysshe Shelley (est-ce que ça paraît que, dans mes cours d'anglais au CÉGEP, on m'a fait étudié les poètes romantiques anglais et que ça m'a marquée à vie?).
En ligne. Comme d'habitude, si vos profs ne vous donnent pas autant de lecture que les miens, vous pouvez aller jeter un regard à mon étagère consacrée à Chateaubriand sur Google Books. Vous y trouverez entre autre certaines de ses publications, des informations sur la Restauration et le romantisme français. http://fr.wikipedia.org/wiki/Chateaubriand_(cuisine)
Vous avez aimé cet article? Vous l'avez détesté? Très chère anonyme qui m'a mise au défi, l'aie-je relevé correctement? N'hésitez pas à m'en faire part dans vos commentaires, qui sont toujours lus et appréciés!
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(1) Hugo, Victor. Les Misérables I, Paris, Gallimard, 1973 et 1995, p.177
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